Le Serment Évanoui sous l’Étoile Cendreuse
Avalait l’horizon où tremblait un mirage,
Et le chevalier noir, fantôme sans visage,
Marchait, son armure rouillée par le supplice.
Ses pas creusaient des tombes dans l’océan de sel,
Chaque grain de sable, une larme figée,
Le vent hurlant son nom, jadis tant célébré,
Maintenant englouti dans un linceul de ciel.
Il avançait, guidé par l’étoile lointaine,
Celle qui jura naguère un pacte de lumière,
Dont les serments d’argent berçaient sa nuit guerrière…
Mais le désert mentait, et l’astre, ombre soudaine,
Ne versait qu’un reflet de lune défunte,
Comme un glaive terni planté dans sa rancœur.
« Ô toi qui m’as promis l’éternelle douceur,
Pourquoi ton diamant n’est-il plus que myrrhe et honte ? »
Sa voix se perdit dans les gorges du néant,
Tandis qu’au fond des temps, une ombre se redressa :
Celle qu’il nommait Frère, et que le sort lia
À son destin, un soir de sang et de vent blanc.
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Ils chevauchaient jadis sur les plaines de braise,
Leurs boucliers rivaux unis contre le sort,
Jurant sous les remparts des cités en décors
Que ni l’acier ni l’âge ne briseraient leur braise.
« Je serai ton étoile quand viendra la noirceur »,
Avait dit la voix claire à l’heure des adieux,
Et le chevalier crut, les yeux levés aux cieux,
Que l’astre veillerait sur leur commune sœur :
L’Espérance, liant leurs âmes éphémères
En un fil plus puissant que les chaînes du roi…
Mais le désert, depuis, rongeait jusqu’à la foi
Qui faisait de leur alliance un bastion frère.
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Ce soir-là, sous la voute où l’étoile pâlit,
Le chevalier sentit son cœur battre à rebours :
L’air vibrait d’un présage, effroi des mauvais jours,
Et le sable chantait un hymne de délit.
« Frère, approche ! Je suis la flamme qui t’appelle »,
Murmura l’ombre, drapée en manteau d’oubli,
Et le guerrier, croyant reconnaître l’ami,
Tendit sa main gantée vers la voix infidèle.
« Vois comme l’étoile a trahi nos promisses :
Elle n’est qu’un miroir brisé par les démons.
Rends-moi ton épée, et renonce à ton nom…
Le désert est ton roi ; moi, je suis ton complice. »
Le chevalier, debout dans la nuit qui le mord,
Sentit l’abîme ouvrir ses mâchoires de brume :
« Toi dont le souffle emplit mes rêves de parfum,
Est-ce là le linceul réservé à nos corps ? »
L’autre rit, et ce rire érailla l’infini :
« Les serments sont des fables pour enfants crédules.
Le désert ne rend pas les cœurs invincibles…
Regarde : ton étoile n’est qu’un feu puni. »
**
Alors, l’homme d’acier tomba à genoux,
Et le sable avala ses larmes sans témoins.
L’étoile, exsangue, éteignit ses derniers feux,
Tandis que l’horizon dévorait les égards.
« Prends ma vie, mais laisse intact le souvenir
De ce que nous fûmes avant que tu ne plonges
Ton âme dans les eaux toxiques du mensonge… »
Mais l’ombre déjà fuyait, sans même le punir.
Le traître disparut, laissant pour seule trace
Un collier de perles noires, gemmes de deuil,
Et le chevalier seul, à l’aube sans recueil,
Vit son sang se mêler aux larmes du sol las.
**
Les jours suivants, il erra, spectre aux yeux de cendre,
Murmurant des serments à l’écho complice,
Tandis que le désert, vaste cicatrice,
Lui soufflait que nul ne peut fuir ni comprendre.
Un matin, il trouva, sculpté dans un roc nu,
Le visage du Frère, figé dans le reproche,
Et comprit que l’amour, quand la trahison cloche,
N’est qu’un leurre que le temps effiloche ingénu.
Il brisa son épée au pied de la statue,
Offrit son heaume rouillé aux vents mordants,
Puis s’allongea, les bras en croix, attendant
Que le sable engloutît sa peine abattue.
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Quand la lune se leva, spectrale et complice,
Le désert entonna son requiem de sel,
Et l’étoile, enfin, ralluma son étincelle…
Trop tard. Le chevalier était déjà passé
Dans le royaume où les ombres sans visage
Pleurent les serments morts et les espoirs fanés.
Seul resta, gravé dans les plis du néant,
Le collier de perles noires, ultime hommage.
Et depuis, quand la nuit étreint les sables froids,
On entend une voix qui maudit les étoiles,
Tandis que danse, pâle, une armure sans émoi,
Portant le deuil infini des loyautés en toile.
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