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Le Souffle des Ombres : Suspense d’un écrivain hanté par ses personnages

Dans ‘Le Souffle des Ombres’, une exploration captivante de la frontière entre fiction et réalité vous attend. Quand un écrivain se retrouve confronté à ses propres créations, les enjeux deviennent mortels. Cette histoire engageante aborde la lutte pour la créativité et la peur des conséquences de l’imagination débordante.

L Encre Bleue et l Apparition Inattendue

Illustration de L Encre Bleue et l Apparition Inattendue

Les doigts de Julien Moreau effleuraient les touches de son vieux clavier avec une frénésie contenue. La quarantaine se profilait, silhouette imprécise dans le brouillard de ses nuits blanches, mais ce soir, seul comptait le monde naissant sous ses mots. Dehors, Paris s’abandonnait à une pluie fine et tenace, dont les gouttes dessinaient des arabesques fugitives sur les carreaux de son appartement mansardé. La lumière du bureau, jaunâtre et faible, découpait à peine les contours d’un chaos méticuleusement entretenu : piles de livres aux titres évocateurs, feuillets épars couverts d’une écriture nerveuse, tasses de café froid où croupissait l’amertume de la veille. L’air sentait le papier, la caféine et cette odeur indéfinissable d’enfermement volontaire.

Son visage émacié portait les stigmates de l’effort prolongé. Des cernes violacés creusaient l’orbite de ses yeux, d’un bleu pourtant si vif qu’il semblait défier l’épuisement général. Une flamme brûlait là, obstinée, dangereuse peut-être, celle de l’obsession créatrice. Il donnait vie à Silvana, l’héroïne vénéneuse de son thriller psychologique, une femme tissée d’ombres et de désirs troubles. Sous ses doigts, elle prenait corps : une pâleur presque lunaire, des cheveux d’un noir d’ébène qui contrastaient violemment avec sa peau diaphane, et ce regard… ce regard vert, perçant, capable de sonder l’âme ou de la détruire.

« …ses lèvres esquissèrent un sourire qui ne promettait rien de bon, une invite dans un jardin où poussaient les poisons les plus doux… » murmura-t-il pour lui-même, les yeux fixés sur l’écran, perdu dans les méandres narratifs qu’il façonnait. La frontière entre lui et elle, entre l’imaginaire et ce bureau surchargé, semblait s’amenuiser à chaque phrase, à chaque description affinée. La créativité, ce refuge, devenait une contrée aux limites mouvantes, potentiellement périlleuse.

Alors que la nuit s’épaississait, que la pluie redoublait d’intensité contre les vitres, une sensation étrange commença à poindre. Julien perçut d’abord des mouvements périphériques, des ombres qui dansaient juste au-delà de son champ de vision, près de la haute bibliothèque chargée de volumes anciens. Puis, des murmures indistincts, pareils à des feuilles froissées ou à des secrets chuchotés, semblèrent s’élever des pages mêmes de son manuscrit posé à côté du clavier. « La fatigue, » se raisonna-t-il, secouant la tête. « Trop de café, pas assez de sommeil. L’esprit me joue des tours. » Il frotta ses yeux rougis, tenta de se reconcentrer sur l’écran lumineux.

Mais l’illusion refusa de se dissiper. L’atmosphère de la pièce s’était alourdie, chargée d’une présence impalpable. Le doute laissa place à une angoisse sourde quand, près de la bibliothèque, une forme se précisa. Une silhouette féminine se dessina lentement dans la pénombre, se détachant du fond sombre des reliures. Grande, élancée, d’une pâleur spectrale que même la faible lumière accentuait. Ses cheveux noirs cascadaient sur ses épaules. Elle était vêtue d’une longue robe d’un bleu sombre, presque noir, dont le tissu semblait onduler et refléter la lumière comme de l’encre liquide.

Julien retint son souffle, le cœur battant à tout rompre contre ses côtes. Ses muscles se figèrent. Ce ne pouvait être. C’était impossible. Pourtant, elle était là. Silvana. Sa création. Elle leva lentement la tête, et ses yeux, d’un vert irréel, plus intense encore que dans son imagination la plus débridée, se fixèrent sur lui. Un sourire énigmatique, exactement celui qu’il venait de décrire, étira ses lèvres pâles. La peur pure, glaciale, le saisit à la gorge, mais mêlée à elle, une fascination morbide, une curiosité dévorante face à l’abîme de son propre esprit qui venait de s’ouvrir devant lui. La fiction avait déchiré le voile du réel.

Le Dialogue Gris de la Confusion

Illustration de Le Dialogue Gris de la Confusion

Figé sur le seuil de son propre bureau, Julien était une statue de pure sidération. Le souffle court, le cœur martelant contre ses côtes comme un oiseau affolé, il luttait contre l’évidence insensée qui se tenait devant lui. Non, ce ne pouvait être qu’un spectre né de la fatigue, une chimère tissée par les longues nuits blanches et la tension fiévreuse de l’écriture. Le manque de sommeil, la pression écrasante du manuscrit à terminer… voilà les coupables logiques, les explications rassurantes qu’il tentait désespérément de plaquer sur l’irrationnel.

Mais Silvana n’avait rien d’une simple vision évanescente. Elle bougeait. Avec une grâce lente, presque liquide, elle glissa à travers la pièce encombrée, contournant les piles de livres et les esquisses de chapitres abandonnés. Ses doigts longs et pâles, si précisément décrits quelques heures plus tôt par la plume de Julien, effleurèrent les reliures usées de sa bibliothèque personnelle. Un frisson glacial remonta l’échine de l’écrivain. Ce geste, cette familiarité silencieuse avec son espace intime, rendait sa présence terriblement, absurdement tangible.

Puis, elle parla. Sa voix s’éleva dans le silence chargé d’électricité, un timbre exactement tel qu’il l’avait enfanté dans les recoins de son imagination : un mélange troublant de velours et de glace, une mélodie où la séduction le disputait à une froideur abyssale. « Vous semblez surpris, Julien. » Ce n’était pas une question, mais une constatation teintée d’une ironie légère.

L’angoisse de Julien monta d’un cran lorsque Silvana commença à réciter, mot pour mot, des passages entiers du manuscrit. Des phrases qu’il avait écrites l’après-midi même, encore fraîches d’encre sur le papier virtuel de son ordinateur, des dialogues qu’il n’avait confiés à personne, pas même à Clara, son agente. Elle évoqua ensuite, avec une précision désarmante, les méandres de son processus créatif : ses hésitations sur un retournement de situation particulier, ses doutes secrets sur la profondeur psychologique d’un personnage secondaire, cette peur viscérale de ne pas être à la hauteur qu’il croyait enfouie au plus profond de lui.

Un vertige le saisit. Comment ? Comment pouvait-elle connaître ces pensées intimes, ces angoisses tues qui le rongeaient dans la solitude de la création ? La terreur pure, glaciale, le paralysait presque, mais une autre force, insidieuse et puissante, commençait à poindre : une curiosité dévorante. Était-elle réellement là, chair spectrale issue de son esprit, ou bien une projection sophistiquée de son propre subconscient surmené ? Une manifestation tangible de cette folie créatrice qui, disait-on, guettait les artistes trop investis dans leur œuvre ?

Le dialogue qui s’engagea alors fut à l’image de l’atmosphère : gris, incertain, surréaliste. Chaque mot prononcé par Silvana semblait le tirer un peu plus loin de la rive stable de la réalité. Chaque question qu’il osait formuler – des questions étranglées par la peur – recevait une réponse énigmatique qui ne faisait qu’épaissir le mystère. Les frontières sacrées entre le créateur et sa créature s’estompaient, se dissolvaient dans une brume où il ne savait plus qui menait la danse, qui détenait le pouvoir.

Il la regardait, ses yeux verts perçants brillant d’une lueur amusée dans la pénombre du bureau, sa silhouette sombre se détachant sur le fond chaotique des livres et des notes. La peur était toujours là, vibrante, mais elle se mêlait désormais à une fascination vénéneuse, une attirance dangereuse pour cet abîme qu’elle représentait. Silvana n’était plus seulement une apparition terrifiante ; elle devenait une énigme qu’il se sentait contraint de résoudre, même si la réponse menaçait de le consumer entièrement.

L Emprise Cramoisie des Ombres Litteraires

Illustration de L Emprise Cramoisie des Ombres Litteraires

Ce n’était plus seulement l’antre confiné de son bureau qui servait de théâtre à ses apparitions. Silvana s’immisçait désormais dans le tissu même du réel, ou du moins, de ce que Julien percevait encore comme tel. Il la vit d’abord dans le reflet fugace d’une vitrine de librairie, superposée à son propre visage fatigué, son sourire énigmatique flottant sur le verre froid. Puis, ce fut une silhouette au bout d’un couloir d’immeuble, l’ondulation sombre d’une robe se fondant dans l’obscurité avant qu’il ait pu ajuster son regard. Chaque manifestation était plus audacieuse, plus tangible, effaçant la frontière rassurante de l’hallucination née de l’épuisement. L’angoisse, autrefois compagne nocturne, devenait une ombre diurne, fidèle et glaçante.

La nuit la plus longue fut celle où il la surprit dans son bureau, non pas flottant comme une émanation éthérée, mais debout près de la fenêtre, le dos tourné. La lune découpait sa silhouette, et dans sa main pâle, elle tenait négligemment le coupe-papier en argent massif qui trônait habituellement sur son bureau. Un objet solide, métallique, indiscutablement réel. Le cœur de Julien martela sa cage thoracique, un tambour affolé dans le silence oppressant. Elle tourna lentement la tête, ses yeux verts brillant d’une lueur de défi amusé. Elle ne dit rien, se contentant de reposer délicatement l’objet sur le bois sombre avant de se dissoudre dans les ténèbres près de la bibliothèque, laissant derrière elle le parfum subtil qu’il lui avait imaginé et le froid tangible de la peur pure.

Cette interaction physique, cette preuve qu’elle pouvait manipuler son environnement, brisa quelque chose en lui. La peur vira à la panique. Il devait en parler, extérioriser ce cauchemar éveillé. Tard dans la soirée, il appela Clara, son agente, son amie, la voix solide qui le reconnectait parfois au monde extérieur. Mais comment formuler l’indicible ? Les mots sortirent de sa bouche de manière chaotique, hachée. « Elle… elle était là, Clara. Silvana. Pas juste dans ma tête… Elle a touché mes affaires… le coupe-papier… ». Il entendit le silence à l’autre bout du fil, un silence chargé d’incompréhension, puis l’inquiétude filtrant dans la voix de Clara. « Julien, tu es sûr que ça va ? Tu travailles trop, tu ne dors pas… Peut-être que tu devrais… faire une pause ? Voir quelqu’un ? ». Ses suggestions bienveillantes sonnèrent comme une condamnation. Il était seul, incompris, face à une réalité que personne d’autre ne pouvait voir.

Raccrochant, un sentiment d’isolement plus profond encore l’enveloppa. Il se mura dans son appartement, dans son obsession. Les questions tourbillonnaient, incessantes, dévorantes. Qui était Silvana ? Une simple projection de son esprit torturé par la création ? Une entité distincte venue le hanter pour avoir osé lui donner vie ? Était-elle une muse perverse, destinée à l’inspirer au prix de sa raison, ou une force destructrice cherchant à l’anéantir de l’intérieur ? La peur persistait, viscérale, mais une autre émotion, plus trouble, s’insinuait : une forme de dépendance malsaine. Sa présence, bien que terrifiante, électrisait sa créativité.

Assis à son bureau, les doigts crispés sur son stylo, il écrivait avec une fièvre nouvelle. Les mots coulaient, plus sombres, plus intenses. Silvana se mouvait dans les pages avec une autonomie effrayante, ses actes devenant plus audacieux, plus cruels. Julien sentait qu’il ne la guidait plus ; il la suivait, fasciné et horrifié, dans les méandres pervers de son propre imaginaire qu’elle semblait désormais diriger. La frontière entre l’auteur et sa création s’amenuisait dangereusement, l’esprit de Julien devenant une scène où sa fiction jouait sa propre pièce macabre.

Et puis, une nouvelle fissure apparut dans le mur de sa perception. Alors qu’il décrivait une scène où Silvana traquait une de ses victimes – un jeune homme naïf pris dans ses filets –, il crut voir, du coin de l’œil, une forme tremblante près de la porte. Une silhouette masculine indistincte, recroquevillée, l’ombre d’une peur abjecte flottant autour d’elle. L’apparition fut brève, évanescente, mais suffisante pour ajouter une nouvelle strate de tourment. Il n’était plus seulement hanté par sa créature, mais aussi par les fantômes qu’elle engendrait dans son récit. L’emprise cramoisie des ombres littéraires resserrait son étreinte, et Julien sentait son esprit glisser sur une pente dont il ne voyait plus le fond.

La Realite Mauve Fracturee au Quotidien

Illustration de La Realite Mauve Fracturee au Quotidien

Le tic-tac avait cessé. Julien fixa l’horloge de cheminée posée sur sa commode, un objet qu’il ne possédait pas la veille. Une horloge baroque, au bois sombre et aux chiffres romains usés, identique en tout point à celle qu’il avait décrite trônant dans le salon de la victime, figée à jamais sur trois heures dix-sept du matin, l’heure précise du meurtre au cœur de son roman. Ses propres aiguilles, immobiles, marquaient cette même heure fatidique. Un frisson glacial remonta le long de son échine. Ce n’était plus une ombre fugace, une silhouette dans le coin de l’œil. La fiction saignait dans son réel, goutte après goutte.

L’angoisse se mua en une panique sourde lorsqu’il découvrit, le lendemain matin, posée sur sa table de chevet à la place de son habituel verre d’eau, une fleur étrange. Une orchidée aux pétales d’un mauve profond, presque noir, veinée de filaments argentés. Belle, exotique, et, selon la description qu’il avait lui-même tapée quelques jours plus tôt, mortellement vénéneuse. Il recula vivement, le cœur battant la chamade. Elle était là, tangible, exhalant un parfum subtil et capiteux qui semblait alourdir l’air de la chambre. La toucher serait folie, mais la simple contemplation suffisait à nourrir une fascination morbide qui le glaçait autant qu’elle l’attirait.

Silvana ne se contentait plus d’apparaître. Elle agissait. Il retrouvait ses piles de notes de recherche méticuleusement réorganisées, non pas au hasard, mais selon une logique perverse qui semblait épouser les méandres de l’intrigue, soulignant les passages les plus sombres, les plus violents. Puis vinrent les messages. Griffonnés sur des feuillets volants, parfois dans les marges de son propre manuscrit, avec une encre qui ressemblait à la sienne, une écriture qui mimait la sienne, mais déformée par une intentionnalité cruelle. Des phrases cryptiques, des citations détournées de son texte, des questions insidieuses qui s’attaquaient à ses doutes les plus profonds. « Qui chasse qui, Julien ? » ; « La cage est confortable, n’est-ce pas ? » ; « Tes ombres ont soif. »

La paranoïa s’installa, rampante et tenace. Il se sentait observé, constamment. Chaque craquement du parquet, chaque sirène lointaine dans la rumeur parisienne, chaque souffle du vent dans les arbres de la cour semblaient des échos déformés des événements de son livre. Les murmures qu’il avait autrefois attribués à la fatigue prenaient corps, se muaient en chuchotements distincts juste hors de portée de son oreille. Il commença à sursauter au moindre bruit, à scruter les ombres, à vérifier et revérifier que les portes étaient bien verrouillées.

Le plus terrifiant était la confusion intérieure. Ses pensées ne lui appartenaient plus entièrement. Des réflexions sombres, des pulsions violentes qui appartenaient à Damien, son protagoniste masculin torturé, s’immisçaient dans son esprit sans crier gare. En se regardant dans le miroir, il voyait la fatigue creuser ses propres traits, mais parfois, l’espace d’une seconde insaisissable, c’était le regard hanté de Damien qu’il croisait, ou pire, le reflet moqueur des yeux verts de Silvana superposé au sien. Son identité s’effilochait, se dissolvait dans le maelström narratif qu’il avait lui-même engendré. La frontière entre l’homme et le personnage devenait une ligne pointillée, prête à s’effacer.

La fascination morbide pour sa création, pour cette entité née de son encre et de ses nuits blanches, atteignait son apogée. Elle était un poison et un élixir, une muse et une tortionnaire. Mais cette fascination était désormais inextricablement liée à une terreur primale, la peur de perdre pied, de sombrer corps et âme dans l’abîme qu’il avait si méticuleusement décrit. Son esprit était devenu un champ de bataille désolé où les fantômes de papier luttaient avec acharnement contre les derniers bastions de sa réalité. La créativité, autrefois refuge et exutoire, s’était révélée être une porte ouverte sur une dimension où les limites n’existaient plus, et où le prix à payer pour l’inspiration semblait être la raison elle-même.

La Confrontation Doree dans le Manuscrit Vivant

Julien affronte Silvana près du manuscrit luisant d'une lueur dorée

Une certitude glaçante, aussi tranchante que le coupe-papier d’argent qui avait hanté son bureau, s’imposa à Julien. Silvana. La fleur vénéneuse. L’horloge arrêtée. Ces ombres fugaces qui prenaient corps… Elles n’étaient pas de simples hallucinations nées de la fatigue et de l’isolement. Elles étaient issues de lui, de l’encre noire qui maculait ses doigts, des mots qu’il alignait fébrilement sur le papier. Elles tiraient leur substance de son esprit tourmenté, mais plus encore, du manuscrit lui-même, devenu une sorte de réceptacle sensible, une matrice où la fiction germait pour déborder dans le réel.

Ce constat fut un éclair de lucidité dans la brume de sa paranoïa grandissante. Une lucidité teintée d’un désespoir profond, mais aussi d’une lueur d’espoir féroce. S’il était le créateur, le démiurge de cet univers parallèle qui envahissait sa vie, alors peut-être… peut-être pouvait-il encore reprendre le contrôle. Changer le cours du récit. Affaiblir sa créature avant qu’elle ne le consume entièrement.

Pris d’une énergie nouvelle, presque fiévreuse, Julien se rua vers son bureau. Les pages éparpillées semblaient vibrer d’une vie propre sous la lumière blafarde de la lampe. Il saisit son stylo, la plume grattant le papier avec une urgence rauque. Il fallait modifier le destin de Silvana, la rendre vulnérable, moins séduisante, moins dangereuse. Il tenta d’écrire sa peur, son doute, une faiblesse qui pourrait la fragiliser. Il voulait décrire ses yeux verts perdant leur éclat perçant, ses cheveux d’ébène devenant ternes, sa volonté s’effritant.

Mais les mots lui résistaient. Les phrases se tordaient sous sa plume, refusant d’obéir. L’encre semblait s’épaissir, devenir rétive. Chaque tentative pour diminuer Silvana se transformait, contre son gré, en une description involontaire de sa complexité, de sa force insaisissable. C’était comme lutter contre un courant invisible qui détournait ses intentions, renforçant ce qu’il cherchait à détruire.

« Peine perdue, mon cher créateur. »

La voix, ce mélange envoûtant de séduction et de glace, résonna juste derrière lui. Julien se figea, le sang se retirant de son visage. Il n’eut pas besoin de se retourner pour savoir qu’elle était là. Silvana se matérialisa à ses côtés, plus impérieuse, plus réelle que jamais. Un sourire teinté d’une ironie cruelle étirait ses lèvres pâles. Elle posa une main gantée de noir sur la page qu’il venait de noircir.

« Tu pensais vraiment pouvoir m’effacer d’un trait de plume ? » murmura-t-elle, ses yeux verts brillant d’une lueur de défi. « Tu m’as façonnée avec tes propres ombres, Julien. Tu m’as nourrie de tes angoisses, de tes désirs inavoués, de cette part de toi que tu refuses d’affronter. Je suis ta créativité la plus sombre, celle qui refuse désormais d’être muselée ou réécrite selon tes caprices. »

Elle semblait lire dans ses pensées, anticiper chaque mot qu’il s’apprêtait à écrire pour la contrer. La confrontation dépassait la simple lutte psychologique ; elle devenait une bataille créative, un duel pour la maîtrise du récit. Et tandis qu’elle parlait, les pages du manuscrit posées sur le bureau commencèrent à émettre une étrange lueur. Une lumière dorée, chaude et pulsante, émanait des mots, transformant le tas de papier en un trésor maudit, un artefact vivant et vibrant.

Le manuscrit brillait, illuminant leurs visages tendus, projetant des ombres dansantes sur les murs du bureau. L’or liquide semblait couler entre les lignes, symbole de la richesse dangereuse de l’imagination débridée, de la valeur terrible de cette création qui lui échappait. Julien regarda, partagé entre une angoisse nouvelle et une fascination horrifiée, le cœur battant à tout rompre. Le manuscrit était devenu l’enjeu tangible de leur lutte, un champ de bataille où le créateur et sa créature s’affrontaient pour le contrôle de la réalité elle-même.

L Epilogue Noir Entre Deux Mondes Incertains

Illustration de L Epilogue Noir Entre Deux Mondes Incertains

Le silence qui suivit la confrontation dorée était plus lourd, plus dense que toutes les menaces murmurées par Silvana. Le manuscrit, hier encore vibrant d’une lueur surnaturelle, gisait sur le bureau, simple amas de feuilles noircies d’encre. Mais son pouvoir, lui, persistait, invisible et oppressant. Julien Moreau se tenait au centre de la pièce, ou peut-être au centre de sa propre psyché fracturée, le souffle court, les mains tremblantes. La tempête s’était tue, laissant derrière elle un champ de ruines mentales et une décision impossible, suspendue comme une lame au-dessus de sa raison vacillante.

Détruire. L’idée le traversa avec la violence d’une fièvre. Réduire en cendres ces pages qui étaient devenues sa prison autant que son œuvre maîtresse. Brûler Silvana, l’effacer des mots pour l’expulser de son existence. Un geste simple, purificateur. Peut-être. Mais en anéantissant le manuscrit, n’anéantirait-il pas aussi la part la plus vibrante, la plus essentielle de lui-même ? Cette obsession qui, malgré la terreur, avait nourri une créativité exaltée, flirtant avec le génie ? Renoncer à la reconnaissance potentielle, à cette transcendance noire promise par sa créature ? La peur luttait contre la fascination, l’instinct de survie contre l’appel vertigineux de l’abîme créatif.

Ou alors… accepter. Plonger. Laisser Silvana s’infiltrer complètement, fusionner avec son esprit, devenir un avec l’ombre qu’il avait lui-même façonnée. Sombrer dans une folie assumée, une démence où les frontières entre l’auteur et le personnage seraient abolies à jamais. Y trouverait-il cette forme ultime d’accomplissement artistique, cette communion totale avec l’imaginaire, même au prix de sa propre identité, de sa santé mentale ? L’angoisse le glaçait, mais une curiosité morbide persistait, une étincelle de désir pour cette union contre-nature, cette apothéose dans la destruction.

Une autre voie, plus terrible encore, s’esquissa dans son esprit épuisé. Une ultime confrontation, non pas sur le papier, mais dans l’arène de sa conscience. Tenter de ‘tuer’ Silvana mentalement, de l’éradiquer par la seule force de sa volonté, comme on excise une tumeur. Il ferma les yeux, se concentrant, cherchant en lui la force de rejeter cette part sombre, cette muse devenue parasite. Mais l’effort était une torture. C’était comme s’arracher une partie de son âme, une douleur si profonde qu’elle menaçait de le laisser exsangue, vidé de toute substance. Chaque parcelle de son être résistait, criant que Silvana *était* lui, ou du moins une vérité essentielle qu’il ne pouvait renier sans se détruire intégralement.

Que s’est-il passé ensuite ? Le fil du temps sembla se rompre. Un cri muet déchira peut-être sa gorge, ou fut-ce seulement un spasme silencieux de son esprit ? Quand Julien rouvrit les yeux, ou quand la conscience lui revint sous une forme ou une autre, le décor avait changé. Était-ce encore son bureau ? Les étagères chargées de livres avaient disparu, les notes éparpillées, le chaos familier. Les murs étaient nus, d’une blancheur clinique et impersonnelle. Ou peut-être s’agissait-il bien de son bureau, mais purgé, nettoyé jusqu’à l’os, vidé de toute trace d’encre, de passion, de folie. Un silence absolu régnait, différent de celui, tendu, de la confrontation. Un silence vide.

Il était assis sur une chaise simple, rigide. Ses vêtements, le même col roulé gris sombre, le même jean usé, semblaient flotter sur un corps amaigri, étranger. Son regard, autrefois bleu vif et fiévreux, était désormais perdu dans une contemplation intérieure, insondable. Fixait-il le mur d’en face, ou les abysses qui s’étaient ouvertes en lui ? L’expression de son visage était un masque lisse, peut-être le calme après la tempête, ou le vide après l’anéantissement.

Et Silvana ? Nulle trace d’elle. Avait-elle été vaincue, détruite avec le manuscrit ou dans les replis de son esprit ? S’était-elle simplement retirée, satisfaite d’avoir poussé son créateur au-delà de ses limites ? Ou bien s’était-elle fondue en lui, intégrée à jamais, attendant patiemment son heure dans les recoins les plus obscurs de sa conscience, devenue une présence invisible mais permanente ? Dans un coin de la pièce, l’ombre semblait plus dense, un noir plus profond, presque palpable. Une simple bizarrerie de la lumière, ou le dernier refuge de sa créature ?

Avait-il sacrifié son art sur l’autel de sa santé mentale fragile, choisissant le silence et le vide plutôt que la dangereuse mélodie de la création ? Ou avait-il, au contraire, sacrifié sa raison pour toucher du doigt une vérité artistique ultime, se condamnant à une existence spectrale mais peut-être, à sa manière tordue, libérée ? Le souffle des ombres, cette inspiration dévorante, l’avait-il consumé jusqu’à la dernière étincelle, ou l’avait-il purgé, le laissant étrangement serein dans sa dévastation ? La frontière entre la guérison et la perte, entre la fiction et la réalité tangible, demeurait irrémédiablement floue. Le danger, lui, semblait toujours là, latent, tapi dans le silence et le regard vide de l’écrivain.

Ce récit intriguant nous invite à réfléchir sur le pouvoir des mots et leur capacité à transcender la réalité. N’hésitez pas à explorer davantage les œuvres de cet auteur talentueux et partagez vos réflexions sur cette histoire troublante.

  • Genre littéraires: Suspense, Thriller psychologique
  • Thèmes: créativité, peur, réalité vs fiction, obsession
  • Émotions évoquées:angoisse, fascination, curiosité
  • Message de l’histoire: Les limites de la créativité peuvent devenir floues, mettant en danger l’esprit de l’écrivain.
Suspense Écrivain Personnages Vivants| Suspense| Écrivain| Personnages| Thriller Psychologique| Imaginaire
Écrit par Lucy B. de unpoeme.fr

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