Avec les jeunes paons et les chÃĻvres sauvages,
Se joue au bord de lâeau Kriçhna, lâenfant divin.
LÃ -bas, roulant son ombre aux pentes du ravin,
Dans une brume vague oÃđ lâaspect se dÃĐforme,
Lâescarpement confus dâune montagne ÃĐnorme
Porte le BhandÃŪra qui semble une forÊt ;
Et le mont si hautain se dresse quâil pourrait,
FaÃŪte rocheux, verdi dâaçokas et dâyeuses.
Voir la GangÃĒ rouler ses eaux mÃĐlodieuses
A travers les cheveux effrayants de Ãiva !
Kriçhna, lâenfant divin, le long des berges, va
Plein dâaise. La liane et la brise au passage
Caressent le lotus sombre de son visage
Ãpanoui. Pieds nus sur les galets luisants,
Il court avec le souffle et lâonde. Il a six ans.
Il court. Pleines de fleurs, ses mains sont des corbeilles.
Il jase avec le flot profond et les abeilles.
Sa nourrice le suit et dit souvent : ÂŦ Kriçhna,
Prends garde ! Âŧ Mais lâenfant rase le bord et nâa
Point souci de la voix grondeuse qui sâeffraie.
Or, prÃĻs de lâeau, teignant de sang la verte haie,
Les fruits ronds dâun vimba sauvage, par milliers,
Rougissent. On pourrait croire que des colliers
De corail, au milieu des madhavÃŪs ÃĐcloses.
Ont dÃĐnouÃĐ leurs fils et semÃĐ leurs grains roses.
Sous les feuilles du blanc jasmin qui la voila
Kriçhna ne cherche plus lâabeille. Le voilÃ
Mordant la chair, buvant le sang des graines mÃŧres.
Et les roux ÃĐcureuils, enfuis sous les ramures,
Jaloux, songent : ÂŦ Quand donc en aura-t-il assez ? Âŧ
â Fils de mon maÃŪtre, dit la nourrice, laissez
Cet arbre.
Mais le fils de VaçÃŧ continue
Son repas. Une branche est dÃĐjà toute nue
Et reflÃĻte dans lâeau son squelette ÃĐpineux.
â Les vimbas, quelquefois, ont des fruits vÃĐnÃĐneux,
Mon cher seigneur !
Kriçhna dÃĐpouille une autre branche.
â Dans la jatte dâivoire oÃđ votre soif sâÃĐtanche.
Je verserai le miel odorant du mangou !
Kriçhna rit. Les deux pieds dans le fleuve, le cou
Dans les ronces, il mange et nargue le reproche
Et rit.
La femme alors, en colÃĻre, sâapproche.
Le saisit, et : ÂŦ Quittez cet arbre ! Je le veux ! Âŧ
Lui dit-elle.
Kriçhna ne rit plus. Des cheveux
Farouches, sur son front oÃđ sâallume le signe
Du Soleil, imprÃĐvus, se dressent ! Il trÃĐpigne.
LâÅil noir de sang, le sein renflÃĐ, les bras tordus,
Il ouvre, toute rose encor des fruits mordus,
Sa bouche, et la nourrice, avec un cri, recule,
Car, dans la profondeur rouge dâun crÃĐpuscule
Plein dâastres et dâÃĐclairs qui remplit le dedans
De la bouche, au delà des quatre-vingt-dix dents,
Elle a vu, sombre choc de monts, de ciels et dâondes,
Passer la vision terrible des trois Mondes !