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Les Beaux Hommes

Dans ‘Les Beaux Hommes’, Thierry Cabot livre une œuvre poignante où il interroge les notions de beauté, d’orgueil et de désespoir. Écrit en 2011, ce poème résonne profondément dans notre époque contemporaine, nous invitant à réfléchir sur notre propre humanité et notre rapport au monde. En confrontant la splendeur fugace à la laideur persistante, Cabot capture l’essence même de l’existence humaine.
Pendant qu’un mal hideux sur vos langues pavoise Et que vous arborez les haillons du nÃĐant, L’ÃĐphÃĐmÃĻre à la bouche et la lÃĻvre sournoise, Veules comme des pleurs mangÃĐs par l’ocÃĐan ; Pendant que, sans rÃĐpit, votre bile malsaine TraÃŪne, nausÃĐabonde, une ÃĒme d’urinoir Et que de la colÃĻre, idiots jusqu’à l’obscÃĻne, Vous ne cessez jamais de vomir le sang noir ; Pendant que sous l’œil froid des aveugles machines, Tout à votre labeur insane et belliqueux, Avec indignitÃĐ, vous ployez vos ÃĐchines En salissant les murs de mensonges visqueux ; Pendant que les yeux secs, la lippe larmoyante, Entre faux catÃĐchisme et confuses rancœurs, Du haut de votre Olympe à la haine aboyante, Vous contemplez l’abÃŪme oÃđ gargouillent vos cœurs ; Pendant, pendant aussi que, monstrueux ou presque, Ignobles dans un siÃĻcle affalÃĐ dans le pus, Le rire chevauchant l’ambition grotesque Et le ventre agitÃĐ d’ÃĐgoÃŊsmes repus ; Oh ! pendant que remplis de la note suave Du coassement laid des crapauds, tout à coup Vous mettez à vous seuls, tout pleins de votre bave, Le sordide au pinacle et le rÊve à l’ÃĐgout ; Oui ! pendant que l’orgueil enflÃĐ par la sottise, L’esprit dÃĐgoulinant jusqu’au fond des trottoirs, MÃĐchants à rendre folle une terre promise, Consternants à changer les saints en dÃĐpotoirs, Vieux paquets furieux autant que ridicules, Jarret haut, babil vague et tendons chatouillÃĐs, Vous ÃĐcorchez le sol de vos pas minuscules Comme si l’univers eÃŧt gÃĐmi sous vos pieds ; Pendant que vos nez mous aux rictus affairistes Hument, soir et matin, le fumet du magot, Que dÃĐjà bouffis d’or dans des poulaillers tristes, Vous allez caquetant pour soigner votre ego ; Pendantâ€Ķ pendant qu’enfin – Ãī bouffons, Ãī cloportes ! Ô pourceaux grimaçants, Ãī doublures d’humains ! – Tous traÃŪtres à la vie allongÃĐe à vos portes, Vous insultez le beau qui vous ouvre les mains ; Une douleur me gifle, ÃĒcre, toujours la mÊme, HÃĐrissÃĐe à ma joue inconsolablement, Car ce qu’en vous je hais, je l’abhorre en moi-mÊme, Car je ne suis pas moins infÃĒme ni dÃĐment. Ah ! c’est mon cœur entier que ce tableau fouette ! Au fracas de nos cris ! Aux coups de nos jeux bas ! À la fureur desquels l’existence muette Se blesse chaque jour de stÃĐriles combats ! Je vois s’ÃĐpoumoner cent dÃĐfaites livides, J’entends hurler notre ÃĒme orpheline et sans Dieu, Je frissonne devant nos cathÃĐdrales vides, Plus pÃĒle qu’un remords, plus glacÃĐ qu’un adieu. Sur moi roulent ensemble et les loups et les fauves EnragÃĐs à ma perte, ÃĐblouis de ma peur, Et je tremble aux pÃĐrils des solitudes fauves Dont l’image sanglote avec fiÃĻvre et stupeur. Je suis vos abandons, je suis vos faces mortes, Je suis l’appel terrible ÃĐcrasÃĐ par le fer, Je suis vos mots sanglÃĐs en de viles cohortes, Qui, dans leur paradis, ne parlent que d’enfer. Comme vous, comme vous – Ãī dÃĐbÃĒcle, Ãī dÃĐroute ! – J’ai gardÃĐ le poison d’un regret plein d’effroi, Puis sur ma lÃĻvre, hÃĐlas, parmi l’ombre et le doute, La mÊme question douloureuse : ÂŦ Pourquoi ? Âŧ Oh ! pourquoi ? Nous avions le monde à nos fenÊtres ; L’espace nous comblait du rire de l’ÃĐveil ; L’azur amoncelait des ÃĐtoiles champÊtres Et des ravissements de houle et de soleil ; Les jours mÃĐlodieux fusaient tels des dimanches ; Chaque heure, chaque instant, nous voulait plus ÃĐpris ; L’amour jetait au loin de longues routes blanches Couvertes de parfums et de baisers fleuris ; Nous ÃĐtions conviÃĐs à de splendides messes OÃđ les orgues du ciel filaient leurs sons joyeux ; Le matin agitait ses cloches, ses promesses, Comme un beau livre nu palpitant sous nos yeux ; Dans une farandole ÃĐlevÃĐe autour d’elle, La vie ÃĐtincelante acclamait le divin ; Le temps semblait pareil à quelque frisson d’aile CÃĐlÃĐbrant en secret des poÃĻmes sans fin ; Ô nous ÃĐtions choisis pour une neuve histoire ! L’avenir subjuguÃĐ faisait frÃĐmir nos voix ; L’espÃĐrance à grands flots hÃĒtait notre victoire Avec des ÃĐlans fiers et soyeux à la fois ; Et, musique infinie au chevet de nos ÃĒmes, Tous les dons soulevÃĐs en mille gerbes d’or DÃĐployaient leurs longs cris plus doux que des sÃĐsames, De l’aurore vibrante à la nuit qui s’endortâ€Ķ Mais quoi ! Mais quoi ! Tout n’est soudain qu’un mauvais rÊve ! Le commun foule aux pieds mes chimÃĻres d’enfant ! Puis cette vision magnifique s’achÃĻve Par un vide cruel dont nul ne me dÃĐfend ! L’horizon devant moi se disloque et se fane ; Je retrouve bientÃīt mon pain lavÃĐ d’ennui Et les lÃĒches travaux et la fange profane Que dÃĐvore sans cesse un inutile bruit. Ah, mon Dieu ! Nous pouvions du moins vivre en beaux hommes, Nos destins mÃĐconnus si vite clairsemÃĐs. Un regard nous eÃŧt faits meilleurs que nous ne sommes ; Nous pouvions Être ceux que le bien eÃŧt aimÃĐs Et demeurer un peu, malgrÃĐ tant d’aubes grises, L’adorable angelot qui, dans son berceau clair, De ses doigts potelÃĐs sÃĻme des fleurs exquises En souriant aux mots ÃĐparpillÃĐs dans l’air. Extrait de: La Blessure des Mots, (2011)
Ce poème nous pousse à envisager notre propre reflet dans la beauté et la déchéance. Explorez davantage les œuvres de Thierry Cabot pour découvrir ses réflexions captivantes sur l’humanité.

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