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Les Dimensions du Regard
Dans ‘Les Dimensions du Regard’, Lucien Becker nous plonge dans l’univers de la solitude et de la perception humaine. Avec une écriture riche et évocatrice, ce poème illustre comment chaque regard peut servir de pont entre les vies, tout en soulignant la beauté éphémère du moment présent. Écrit au XXe siècle, ce texte demeure une réflexion essentielle sur notre existence et notre quête de sens dans un monde souvent solitaire.
Chaque regard est le point final que l’homme met à sa solitude et il est impossible d’aller au-delà sans rencontrer l’épaisseur de mille vies dont une est à peine vécue. Le ciel est un peu de buée sur la fenêtre au milieu de laquelle on s’égare comme en pleine mer. Adossé à l’ombre comme à un contrefort, on voit les maisons couler de toutes leurs voilures. Il suffît qu’on reconnaisse son visage dans les vitres pour que le monde redevienne la place où le couchant se lisse comme un grand oiseau et où les femmes sont les seules choses qu’on peut tenir contre soi. Mais la plupart des jours sont des jours perdus qui portent une date comme un soldat son matricule et ils font du passé où ils reculent la foule anonyme qui accompagne l’homme à sa mort. Reposant sur le socle des toits, le bleu de l’air reste à l’avant du ciel. Il touche parfois la terre dans le regard des nouveau-nés. L’existence n’a pas de rebord. Elle donne à même le vide et nombreux sont ceux qui en tombent sans avoir le temps de voir d’où vient le soleil. Les paysages sont tout seuls dans la verdure et la clarté loin des villes que l’homme ne peut quitter parce que ses pas sont inscrits d’avance dans toutes les rues où sa statue bouge. Sa vie tâtonne dans un tunnel au flanc duquel des visages de femmes posent une lueur vite dépassée par l’ombre qui recouvre en lui toutes les sources du jour L’espace naît d’un seul calice de fleur ou même d’une paume mal fermée. D’un regard, on peut lancer la rivière jusqu’au pont des villes. Pour remettre la lumière dans le monde, le matin donne des coups de hache aux fenêtres et la plaine recommence à tourner comme un disque entre les bords enfin visibles de l’horizon. En se dressant au milieu de leur sommeil, les hommes brisent la plus dure des roches. Ils ploient encore quelques instants avant de se mesurer au géant du jour. Et c’est le même fruit d’air partagé entre toutes les bouches qui sont en pleine terre les seuls îlots où le soleil prend la forme d’une parole. Pour éveiller la ville d’entre les pierres le matin se fait fleuve dans ses rues et un oiseau de clarté va battre des ailes contre les fenêtres qui disputent la nuit au jour. Les siècles qui s’abritent dans les murs installent partout des bancs d’ombre où l’on peut s’asseoir toute une vie avec un visage que le soleil n’atteindra jamais en entier. Les semences ne font pas de détours pour passer entre les doigts de la terre mais l’homme a besoin d’années pour découvrir un seul plant de joie sur sa route. II ne frappe pas le sol en marchant parce que rien ne peut naître de ses pas que le corps vers lequel il est toujours rejeté comme un vaisseau dans le fond de la mer. A la même heure dans toutes les villes les femmes s’abreuvent longuement aux vitrines. Elles ont du soleil jusqu’au fond de la gorge avec des dents toujours plantées comme en plein fruit. Elles sont pour les sens le seul objet sur lequel ils s’exercent complètement. C’est contre elles que la caresse perd son ombre, que le corps de l’homme recouvre ses vraies dimensions. Les passants entrent dans leur regard sans y rester plus longtemps qu’une forêt dans l’averse. On les devine blanches sous leurs robes comme les plantes vivant loin du jour et elles peuvent ensoleiller toute une chambre avec la seule clarté qui monte de leurs jambes. Il y a un toit de soleil sur les forêts qui marquent le pas à l’horizon avec des arbres retenant contre eux le silencieux éboulement de la lumière. Le printemps s’enfonce très loin entre les pierres déchirées comme des draps et il avance de l’une à l’autre en rejetant derrière lui ses mèches de verdure. Toute la verrerie du vent peut sans mal tomber dans les feuilles ou même dans l’herbe. Les oiseaux sont maintenant là pour la remonter intacte dans l’espace. Et le soir quand l’air est sans un geste et que la ville n’est plus qu’une montagne tronquée il reste sur les champs la hauteur de la paix enfin contenue entre mille villages.
Ce poème invite à méditer sur les connections humaines et la façon dont nos regards façonnent notre compréhension du monde. N’hésitez pas à découvrir d’autres œuvres de Lucien Becker et à partager vos réflexions sur ce poème intemporel.