Les Échos du Silence en la Cathédrale de l’Adieu
Dans la nef où le temps suspendait ses guirlandes.
Les vitraux éventrés pleuraient des lueurs pâles,
Et l’orgue, muet, gardait ses notes terminales.
Son pas blessé traçait un sillon de mémoire
Sur les dalles polies par les siècles de gloire.
Il cherchait dans l’encens des prières fanées
Le parfum d’un serment sous les astiles fanées.
Soudain, l’air frémit d’une présence ancienne :
Une ombre se leva, tissée de lueurs ternes,
Vêtue du satin des nuits prématurées,
Ses cheveux ondoyaient comme un chant échoué.
« Toi qui reviens des lieux où les âmes se vident,
Portes-tu dans tes mains les clés de nos pyramides ? »
Sa voix était le bruissement d’un luth brisé,
Un écho de combat dans le marbre usé.
Il reconnut ses yeux, deux fontaines taries,
Où nageait encore l’éclair d’une vie.
« J’ai marché sur les os des enfers traversés,
Mais ton nom m’habitait comme un bouclier blessé. »
Elle avança, pareille aux brumes de septembre,
Son sourire empreint de mélancolie amère :
« Nos cœurs battaient jadis au rythme des tambours,
Mais le destin scella nos pas pour toujours. »
Sous la coupole où veillaient les saints de pierre,
Il conta les combats, la boue et les barrières,
Les lettres jamais lues qui brûlaient dans sa poche,
Et l’instant où la mort lui mordit la roche.
« J’ai vu choir mes frères en des danses macabres,
Leurs soupirs composant un étrange cantique.
Je survivais pour toi, ange aux ailes de suie,
Défiant l’abîme et sa géographie. »
Elle tendit une main que le vide colonise,
Transparente déjà sous la lune agonisante :
« Regarde : mon essence est liée à ces murs,
Je ne suis qu’un reflet des amours impurs. »
Il comprit alors le pacte immémorial :
La cathédrale avait scellé leur destin fatal.
Elle, gardienne des ombres promises aux limbes,
Lui, vivant condamné à errer sur les décombres.
« Prends mon sang, ma chair, mes heures résiduelles,
Brise ces chaînes d’air, ces entraves cruelles !
Que je sois le fanal qui guide ton repos,
Et toi, sois libre enfin du joug de nos réseaux. »
Un vent se leva, chargé de runes spectrales,
Les cierges s’allumèrent en couronnes fatales.
Il posa sur son cœur un rameau de buis sec,
Offrande ultime au dieu qui dévore les ex.
« Non ! cria-t-elle, enlace-moi sans me reconnaître,
L’amour vrai ne meurt pas, il devient fenêtre.
Je ne veux de ton âme en holocauste vain,
Laisse-moi disparaître avec le matin ! »
Mais déjà il gravait dans sa paume ouverte
Le signe qui transfuse les destins entr’ouverts.
Les colonnes gémirent un thrène séculaire,
Tandis qu’un halo buvait leur chair éphémère.
Elle se matérialisa dans un cri de cristal,
Corps recouvré, souffle devenu vital.
Lui, lentement, sentit les liens le quitter,
Ses veines s’effaçant en réseau de clarté.
« Pourquoi ce don funeste, ô toi mon éphémère ?
Nous avions tant rêvé d’une autre étoile mère… »
Il sourit, déjà spectre aux frontières du néant :
« Ton premier rire valait bien l’éternité. »
Quand l’aube lacéra les tentures nocturnes,
Elle marcha, vivante, vers les portes diurnes.
Derrière elle, un chuchotement dans les arceaux :
« Aime chaque printemps comme notre berceau. »
La cathédrale garde en ses plis de mystère
L’empreinte de deux pas qui n’ont nulle terre.
Parfois, aux nuits d’hiver où gèle la raison,
On entend dialoguer ombre et chanson.
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