L’Écho englouti des heures oubliées
Dans l’antre vastement nue où le silence règne,
Un balancier lentement fend l’éther bleu,
Se balançant, en cadence, au rythme des alènes,
D’une horloge immense au murmure soyeux.
Là, trône en majesté ce colosse obstiné,
Qui surplombe l’espace où nul ne s’attarde,
Gardien immuable du temps désenchanté,
Dont les rouages usés mêlent l’or et la farde.
L’Observateur seul s’avance, silhouette déliée,
Figure de cendre au visage fané,
Ses yeux sont des abîmes de mémoire effacée,
Ombres d’instants perdus, en l’écho glacé.
Il scrute, il écoute la poésie muette
De ce temps suspendu entre battements lourds,
Chaque heure s’égrène, chaque battement arrête
La course du monde et suspend ses jours.
« Ô ronde inflexible, ballet désolé,
Dis-moi ce que cache ta face immuable :
Est-ce la fin lente de l’homme isolé,
Ou le souffle ardent d’une âme regrettable ? »
Les aiguilles tremblent, autant que son alma,
Parfois, un soupir semble naître du métal,
Et c’est comme un adieu à la vie pazl,
Un demi-mot porté par l’ombre du cristal.
L’Observateur, las, confond son propre souffle
Au vague tic-tac, timide et éternel,
Son reflet vacille en chaque tôle qui étouffe
Les souvenirs d’antan au murmure cruel.
Il marche lentement, ses pas sont des lourds secrets,
Des murmures portés par un souffle ancien,
Dans cette salle immense aux songes discrets,
Où le temps imprègne chaque vestige humain.
Les murs, témoins muets de cent ans d’oubli,
Résonnent de pas seuls que la tristesse enveloppe,
Et la poussière danse en tourbillon fragile,
Vestige d’un monde que le vent s’échappe.
« Quel est donc ce poids que je ne puis définir ?
Cette lourde absence, ce vide ineffable,
Qui trouble le regard sans jamais fuir,
Comme un Chant funèbre, d’une tristesse palpable ? »
Alors le Temps, vieux maître à la gueule de fonte,
S’égrène à contre-coeur, roi d’une chambre close,
Ses aiguilles pleurent une larme profonde,
Un cristal de solitude à la rose morose.
L’Observateur, figé, contemple l’ombre large
Que dessine l’horloge aux parois désertes,
Chaque heure qui meurt est une page qui s’arge,
Dans le livre silencieux des âmes ouvertes.
Sa voix intérieure s’élève, fragile complainte :
« J’ai si souvent cru écrire mon destin,
Et jamais je ne saisis la peur étreinte,
De voir le temps s’effacer dans le noir chemin. »
Il se souvient d’horizons doux et familiers,
De l’enfance effacée par les vents du passé,
De l’ombre qui grandit, des cendres dorées,
De l’homme qui fuit et ne peut se figer.
L’horloge, ce monstre aux doigts de cuivre priant,
Dont la respiration est un souffle d’éternel,
Brise enfin son silence tremblant, laissant
S’échapper un soupir, un dernier appel.
L’Observateur frémit, son cœur se désarme,
Il sent qu’en lui s’éteint l’ultime lumière,
Que la fin s’approche, séduisante et sans charme,
Porteuse d’un froid voile et d’une sombre rivière.
Le spectre du Temps l’enlace dans la salle,
Comme une mère froide, un adieu sans retour,
Les aiguilles s’immobilisent, et la pâle
Splendeur du jour s’efface dans le lourd séjour.
Il ferme ses paupières au monde qui s’efface,
Ses mains se perdent en gestes renaissants,
Sous ce dôme vaste où l’écho menace,
La vie s’enfuit, fragile, emportant l’enfant.
Alors retentit un dernier glas lointain,
Clair et cruel, éclat d’un temps désuni,
Et dans la salle immense, le vide soudain
Dévore l’ombre, en silence infini.
Plus rien que des murs, froids, vides, apaisés,
Plus n’est l’Observateur, plus n’est la mémoire,
Le temps s’est perdu dans son interminé,
Et l’horloge pleure un oubli sans gloire.
Ainsi finit la veille où le temps se dérobe,
Dans le grand souffle sourd d’une nuit muette,
Le cœur d’un homme s’éteint, et s’envole l’ombre,
Disparaissant, perdu dans l’heure funèbre.
Et dans ce lieu désert, résonne la mélancolie,
Où l’écho du passé s’efface dans l’air,
Comme un dernier soupir d’une humanité pliée,
Sous le poids terrible d’un temps solitaire.
Voici l’Histoire rude, éthérée et désunie,
De l’Observateur vaincu, à l’heure qui s’efface,
D’une pauvre âme humaine, au destin trahi,
Par l’horloge géante, et son cruel sous-solace.
Ainsi se conclut ce chant, humble et déchirant,
Écho d’un vivant que l’oubli emporte,
Dans la salle immense où danse lentement
La poésie glacée d’une fin inexorable et morte.