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L’Esprit Pur

L’Esprit Pur, écrit par Alfred de Vigny, est un poème qui interroge notre rapport à l’héritage familial et à la pérennité de l’écrit. Dans un contexte historique riche, Vigny, poète du XIXe siècle, nous invite à réfléchir sur la grandeur et l’évanescence des exploits de nos ancêtres, tout en honorant la mémoire à travers l’écriture. Ce poème demeure significatif dans sa quête d’identité et de reconnaissance à travers les âges.
I
Si l’Orgueil prend ton cœur quand le
Peuple me nomme,
Que de mes livres seuls te vienne la fierté.
J’ai mis sur le cimier doré du gentilhomme
Une plume de fer qui n’est pas sans beauté.
J’ai fait illustre un nom qu’on m’a transmis sans gloire.
Qu’il soit ancien, qu’importe ? —
Il n’aura de mémoire
Que du jour seulement où mon front l’a porté.
II
Dans le caveau des miens plongeant mes pas nocturnes,
J’ai compté mes aïeux, suivant leur vieille loi.
J’ouvris leurs parchemins, je fouillai dans leurs urnes
Empreintes, sur le flanc, des sceaux de chaque
Roi. —
A peine une étincelle a relui dans leur cendre.
C’est en vain que d’eux tous le sang m’a fait descendre;
Si j’écris leur histoire, ils descendront de moi.
III
Ils furent opulents,
Seigneurs de vastes terres,
Grands chasseurs devant
Dieu, comme
Nemrod, jaloux
Des beaux cerfs qu’ils lançaient des bois héréditaires
Jusqu’où voulait la
Mort les livrer à leurs coups;
Suivant leur forte meute à travers deux provinces,
Coupant les chiens du
Roi, déroutant ceux des
Princes,
Forçant les sangliers et détruisant les loups;
IV
Galants guerriers sur terre et sur mer, se montrèrent
Gens d’honneur en tous temps comme en tous lieux,
[cherchant
De la
Chine au
Pérou les
Anglais, qu’ils brûlèrent
Sur l’eau qu’ils écumaient du levant au couchant;
Puis, sur leur talon rouge, en quittant les batailles,
Parfumés et blessés revenaient à
Versailles
Jaser à l’Œil-de-bœuf avant de voir leur champ.
V
Mais les champs de la
Beauce avaient leurs cœurs, leurs
[âmes,
Leurs soins.
Ils les peuplaient d’innombrables garçons,
De filles qu’ils donnaient aux
Chevaliers pour femmes,
Dignes de suivre en tout l’exemple et les leçons. —
Simples et satisfaits si chacun de leur race
Apposait saint
Louis en croix sur sa cuirasse,
Comme leurs vieux portraits qu’aux murs noirs nous
[plaçons.
VI
Mais aucun, au sortir d’une rude campagne,
Ne sut se recueillir, quitter le
Destrier,
Dételer pour un jour ses palefrois d’Espagne,
Ni des
Coursiers de chasse enlever rétrier
Pour graver quelque page et dire en quelque livre
Comme son temps vivait et comment il sut vivre, —
Dès qu’ils n’agissaient plus, se hâtant d’oublier.
VII
Tous sont morts en laissant leur nom sans auréole;
Mais sur le disque d’or voilà qu’il est écrit,
Disant : «
Ici passaient deux races de la
Gaule «
Dont le dernier vivant monte au temple et s’inscrit,
«
Non sur l’obscur amas des vieux noms inutiles, «
Des
Orgueilleux méchants et des
Riches futiles, «
Mais sur le pur tableau des livres de l’Esprit. »
VIII
Ton règne est arrivé, pur
Esprit,
Roi du
Monde !
Quand ton aile d’Azur dans la nuit nous surprit,
Déesse de nos mœurs, la guerre vagabonde
Régnait sur nos aïeux. —
Aujourd’hui, c’est
I’Ecrit,
L’Ecrit universel, parfois impérissable,
Que tu graves au marbre ou traînes sur le sable,
Colombe au bec d’airain! visible
Saint-Esprit!
IX
Seul et dernier anneau de deux chaînes brisées,
Je reste. —
Et je soutiens encor dans les hauteurs,
Parmi les
Maîtres purs de nos savants
Musées,
L’Idéal du
Poète et des graves
Penseurs.
J’éprouve sa durée en vingt ans de silence,
Et toujours, d’âge en âge encor, je vois la
France
Contempler mes tableaux et leur jeter des fleurs.
X
Jeune
Postérité d’un vivant qui vous aime!
Mes traits dans vos regards ne sont pas effacés;
Je peux, en ce miroir, me connaître moi-même;
Juges toujours nouveaux de nos travaux passés!
Flots d’amis renaissants ! —
Puissent mes
Destinées
Vous amener à moi, de dix en dix années
Attentifs à mon œuvre, et pour moi c’est assez!
Ce poème incite à méditer sur la façon dont nous inscrivons nos propres récits dans l’histoire. Explorez davantage les œuvres d’Alfred de Vigny pour enrichir votre compréhension de cette période littéraire fascinante et partager vos réflexions sur ce chef-d’œuvre.

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