Le Chant de l’Orphelin dans les Sables du Destin
Un enfant sans racines, pâle ombre du hasard,
Foulait d’un pas meurtri les cendres du départ,
Cherchant l’écho lointain d’un nom qu’il ignorait.
Le soleil, implacable, incendiait les collines,
Et les mirages fous dansaient en tourbillons,
Tissant sous ses yeux clos d’aveugles pavillons
Où s’évaporaient l’eau, les rêves, les doctrines.
Il avançait, guidé par les astres menteurs,
Portant au cou, tel un fardeau de l’exilée,
Une médaille usée à l’effigie effacée,
Unique héritage échappé des rongeurs.
« Je te mènerai là où le monde s’efface,
Où les liens de sang ne sont que vent amer,
Avait juré jadis une voix de chimère,
Mais pour rompre ce vœu, le destin prit ta place. »
Trois lunes avaient fui depuis ce serment trahi,
Trois lunes à compter les larmes sur sa joue,
Quand surgit devant lui, sous la brume qui joue,
Un cavalier voilé, spectre à l’âme transie.
« Enfant des sables fous, que cherches-tu si loin ?
La liberté n’est rien qu’un songe qui voyage,
Un reflet de cité noyé dans le mirage…
— Je cherche un lieu sans maître, un royaume sans frein.
On m’a dit qu’ici-bas, au-delà des tempêtes,
S’étend un champ de lys baigné de clair obscur,
Où chaque pas soulève un murmure plus pur
Que les clameurs d’un monde englué dans ses fêtes.
— Suis-moi », dit l’inconnu, tendant une main pâle,
« Je connais les secrets des caravanes mortes,
Les puits ensevelis où gronde l’eau qui porte
L’espoir vers les jardins que le désert étale. »
Ils marchèrent sept jours sous les cieux sans clémence,
Sept nuits à écouter les hyènes ricaner,
Tandis que l’orphelin, brûlant de s’abandonner,
Croyait entrevoir l’aube au bord de la démence.
Le huitième matin, comme un présage obscur,
Le guide trébucha sur un tertre de pierres :
« Vois ces os blanchissants, ces lambeaux de bannières…
Ici dorment ceux qui crurent en l’avenir.
Prends ce flacon de cuir, ma dernière tendresse,
L’eau pure y dort encore, ultime vérité.
Mon heure est arrivée… Ô toi, l’abandonné,
Pars ! Et que ton destin soit plus doux que ma détresse. »
L’enfant voulut crier, mais le sable vorace
Engloutit le mourant dans un suaire épais,
Ne laissant pour adieu qu’un rire inquiétant
Qui se fondit au vent comme une ombre qui passe.
Seul, il but une goutte à la coupe mensonge,
Et soudain, l’univers vacilla sous ses pas :
Les dunes se changeaient en vagues de lilas,
Le ciel en océan où les étoiles plongent.
Il courut, éperdu, vers ces lueurs nouvelles,
Croyant toucher enfin le seuil libérateur,
Mais plus il s’approchait, plus fuyait la clarté,
Tel un phare trompeur allumé par les cruelles.
Ses lèvres se séchèrent, ses yeux perdirent l’onde,
La médaille tomba dans un soupir de fer,
Et lorsqu’il s’effondra, râlant vers l’univers,
Le désert lui rendit son plus ironique monde :
Un palais de cristal aux portes entr’ouvertes,
Des chants mélodieux coulant des minarets,
Et l’ombre d’une femme aux bras déjà tendus
Qui s’évanouissait en pluie de poussière verte…
Alors il comprit tout : la promesse, le leurre,
L’impossible quête d’un amour sans lien,
Et dans son cœur brisé, il bénit le néant
D’avoir fait de sa vie un si poignant leurre.
Le vent couvrit son corps d’un linceul de lumière,
Et les sages du Sud, croisant son souvenir,
Dirent qu’on entendait, les soirs de grand délire,
Une voix enfantine chanter dans la poussière :
« Ô vous qui chercherez les routes sans chaînes,
Apprenez que la liberté n’est qu’un écho
Qui naît de notre soif et meurt avec nos peaux…
Le vrai royaume est là où s’éteignent les haines. »
Maintenant, voyageur perdu dans ces étendues,
Si tu sens frémir l’air d’un sanglot cristallin,
Sache qu’un enfant mort te tend son dernier lin,
Et que les sables pleurent les promises perdues.
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