Le Serment des Fontaines Silencieuses
Au crépuscule d’un automne pâli,
Un voyageur, l’âme en lambeaux de brume,
Franchit la grille rouillée d’un jardin oublié,
Où les roses, jadis folles, courbent l’échine sous le givre.
Son pas, plus lent qu’un soupir de violoncelle,
Éveille les échos d’un pacte scellé en d’autres cieux :
Ici, devant l’étang miroir aux reflets de cendre,
Il avait juré de ne jamais rompre le silence des fontaines.
Les allées, veuves de leurs murmures verts,
Guident ses doigts tremblants vers les statues moribondes,
Dont les lèvres de marbre gardent le secret des adieux.
« Ô Compagne des ombres, disait-il à la lune naissante,
Vois comme les lys ont retenu leur souffle en mon absence…
Mais qui donc, à présent, arrachera l’ivraie de nos songes ? »
Un carnet, froissé par les pluies et les nuits sans étoiles,
S’ouvre à la page où son cœur gravait l’ultime promesse :
« Je serai le gardien de ces murs qui bercent l’infini,
Et si je dois ployer, que ce soit sous le poids des glycines. »
Hélas ! Les saisons, sournoises, avaient ourdi leur toile—
Un hiver trop cruel mordit les racines des chênes anciens,
Et dans son exil, le voyageur, ligoté par les ans,
Avait laissé mourir l’horloge aux aiguilles de lierre.
Un soir, une voix — peut-être celle du vent trahi —
Glissa entre les branches en éclats de verre :
« Reviens, l’heure est venue de choisir entre
La clémence des cendres ou le feu qui dévore les frontières. »
Il crut voir, au détour d’une gloriette effacée,
Danser une ombre légère, couronnée de primevères…
Fantôme ou souvenir ? Ses mains tendues ne saisirent
Qu’une poignée de pétales noircis par les larmes du ciel.
Pourtant, il osa défier les lois du crépuscule,
Réveiller la source endormie sous les dalles—
Mais l’eau, jadis chantante, jaillit en flots de rouille,
Étouffant les iris qui rêvaient de rébellion.
« J’ai trahi l’oraison des pierres », sanglota-t-il
En voyant les murs crouler comme des notes oubliées,
Tandis qu’une pluie acide, complice du destin,
Lessivait jusqu’au nom gravé sur la stèle des origines.
Maintenant, il erre parmi les décombres de clarté,
Portant en lui ce jardin que plus nul œil ne contemple.
Les fourrés, naguère temples de murmures sacrés,
Ne sont que squelettes griffant un ciel indifférent.
Au fond du bassin fêlé, il dépose une dernière offrande :
Une clef rouillée que la terre refusera de germer.
Et quand la nuit avale son ombre trop lourde d’adieux,
Le vent emporte un serment qui n’aura plus de printemps.
Car toute liberté n’est qu’un instant volé aux ténèbres—
Le voyageur, enfin, comprend que son âme était le jardin.
Sous la lune qui ricane, il s’allonge dans les ronces,
Et laisse le givre sceller ses paupières en ex-voto.
Au matin, on ne trouve qu’une épingle à cheveux oxydée,
Un carnet ouvert sur un poème inachevé…
Tandis qu’au loin, très loin, une fontaine pleure encore
La promesse d’un amour plus vaste que les frontières du monde.
Un voyageur, l’âme en lambeaux de brume,
Franchit la grille rouillée d’un jardin oublié,
Où les roses, jadis folles, courbent l’échine sous le givre.
Son pas, plus lent qu’un soupir de violoncelle,
Éveille les échos d’un pacte scellé en d’autres cieux :
Ici, devant l’étang miroir aux reflets de cendre,
Il avait juré de ne jamais rompre le silence des fontaines.
Les allées, veuves de leurs murmures verts,
Guident ses doigts tremblants vers les statues moribondes,
Dont les lèvres de marbre gardent le secret des adieux.
« Ô Compagne des ombres, disait-il à la lune naissante,
Vois comme les lys ont retenu leur souffle en mon absence…
Mais qui donc, à présent, arrachera l’ivraie de nos songes ? »
Un carnet, froissé par les pluies et les nuits sans étoiles,
S’ouvre à la page où son cœur gravait l’ultime promesse :
« Je serai le gardien de ces murs qui bercent l’infini,
Et si je dois ployer, que ce soit sous le poids des glycines. »
Hélas ! Les saisons, sournoises, avaient ourdi leur toile—
Un hiver trop cruel mordit les racines des chênes anciens,
Et dans son exil, le voyageur, ligoté par les ans,
Avait laissé mourir l’horloge aux aiguilles de lierre.
Un soir, une voix — peut-être celle du vent trahi —
Glissa entre les branches en éclats de verre :
« Reviens, l’heure est venue de choisir entre
La clémence des cendres ou le feu qui dévore les frontières. »
Il crut voir, au détour d’une gloriette effacée,
Danser une ombre légère, couronnée de primevères…
Fantôme ou souvenir ? Ses mains tendues ne saisirent
Qu’une poignée de pétales noircis par les larmes du ciel.
Pourtant, il osa défier les lois du crépuscule,
Réveiller la source endormie sous les dalles—
Mais l’eau, jadis chantante, jaillit en flots de rouille,
Étouffant les iris qui rêvaient de rébellion.
« J’ai trahi l’oraison des pierres », sanglota-t-il
En voyant les murs crouler comme des notes oubliées,
Tandis qu’une pluie acide, complice du destin,
Lessivait jusqu’au nom gravé sur la stèle des origines.
Maintenant, il erre parmi les décombres de clarté,
Portant en lui ce jardin que plus nul œil ne contemple.
Les fourrés, naguère temples de murmures sacrés,
Ne sont que squelettes griffant un ciel indifférent.
Au fond du bassin fêlé, il dépose une dernière offrande :
Une clef rouillée que la terre refusera de germer.
Et quand la nuit avale son ombre trop lourde d’adieux,
Le vent emporte un serment qui n’aura plus de printemps.
Car toute liberté n’est qu’un instant volé aux ténèbres—
Le voyageur, enfin, comprend que son âme était le jardin.
Sous la lune qui ricane, il s’allonge dans les ronces,
Et laisse le givre sceller ses paupières en ex-voto.
Au matin, on ne trouve qu’une épingle à cheveux oxydée,
Un carnet ouvert sur un poème inachevé…
Tandis qu’au loin, très loin, une fontaine pleure encore
La promesse d’un amour plus vaste que les frontières du monde.
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