Le Sentier du Soliloque
Où la pierre s’incurve en silence oppressé,
Un voyageur marche, âme égarée en quête,
D’un souffle, d’un espoir, d’une voix qui s’arrête.
Le sentier, désert, s’étire, rude et sans fin,
Le soleil, lassé, s’abat sur le matin,
Éclaboussant d’or la roche figée,
Comme un éclat froid d’éternité figée.
Il avance seul, entre deux murailles nues,
Où le vent, discrètement, scelle les issues.
Le vent, complice moulu d’ombres et d’échos,
Fait danser les feuilles d’un long chapelet de mots.
Mais le silence règne, immense et profond,
Un voile de plomb sur son cœur moribond.
Il est ce silence, autant que son propre sang,
Un abîme muet où s’enfonce son temps.
Ô voyageur, dont le regard se perd aux cimes,
Ton âme vacille, fuie de rimes en rimes !
Tu cherches dans l’écho une parole amie,
Mais le silence, sourd, dérobe ta vie.
Cela fait des heures que le temps s’est figé,
Que l’homme s’est fondu dans ce désert figé.
Ce sentier, cet étau, cette cage en pierre,
Est-il refuge ou tombeau, douce lumière ?
Il scrute l’horizon, cherche un autre souffle,
Un murmure d’algue dans le torrent qui grouffe.
Mais tout est muet, dans cette gorge close,
Le vide grandissant creuse la métamorphose.
Mais qui es-tu, voyageur au pas lent et lourd ?
Qu’emportent tes pensées dans cet étouffant tour ?
Des remords ? Des regrets ? Ou l’espoir désarmé
Que le cœur, las, n’a pas encore abandonné ?
Il s’arrête enfin, près d’un rocher fendu,
Et médite les mots que le silence entend nu.
« Être seul, murmure-t-il, est un royaume cruel,
Où les ombres dansent, et l’âme chancelle. »
Dans cette solitude, il sent son être se diviser,
Un double prisonnier, à jamais séparé.
Le silence n’est pas vide, mais un mur infini,
Où se condamne l’homme à parler à l’oubli.
Il ferme les yeux pour mieux entendre l’absence,
La voix intérieure gronde, lourde de souffrance.
« Ô silence, ô geôle où se perd ma fortune,
M’as-tu fait roi, ou bien simple ombre brune ? »
Il rêve d’un cri, d’un éclat dans la nuit,
D’un souffle d’ailleurs qui tracerait son ennui.
Mais la gorge du canyon, sourde à sa prière,
Ne répond qu’en échos, froids, sans lumière.
Le voyageur ploie sous ce poids infini,
Et dans son cœur germe un hiver englouti.
La pierre lui parle, mais d’une voix étrangère,
Celle du temps qui fuit et des heures amères.
Une larme silencieuse roule et s’évade,
Telle une perle rare sur la rocaille fade.
Il incline son front contre la pierre brute,
Et sent la solitude fracturer sa lutte.
Pourtant, au creux du silence, un souffle s’élève,
Un murmure ténu comme un dernier rêve.
« Ne crains pas l’ombre, car même dans la nuit
Se tient l’étreinte immense de l’infini. »
Mais le voyageur sait que rien ne le sauve :
Ce silence est geôle où son esprit s’éprouve.
Il repart, traînant ses pas lourds de secret,
Vers l’absence finale où tout se tait.
La gorge se referme, comme un poing glacé,
Et le vent emporte la plainte effacée.
Le sentier s’efface dans le néant profond,
Et le voyageur, seul, rejoint l’horizon.
Finis, murmure l’éclat entier de la pierre,
Car nul ne revient depuis l’antre de la terre.
Entre les murailles où le silence règne,
S’éteint l’homme, noyé dans la nuit qui gagne.
Ainsi s’achève, sous le ciel impassible,
Le récit muet d’un être invisible,
Qui chercha dans l’écho un ami, un secours,
Mais ne trouve que l’ombre et l’oubli du jour.