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Ostinato

Le poème ‘Ostinato’ de Louis-René des Forêts nous plonge dans les méandres de l’enfance, où les souvenirs affluent avec une intensité remarquable. Écrit au cœur du 20ᵉ siècle, ce poème explore les joies et les peurs de l’enfance à travers des scènes vivantes et évocatrices. Des Forêts utilise une riche imagerie pour témoigner de la complexité des émotions enfantines, rendant cette œuvre précieuse et intemporelle.
Petit enfant en chemise, pleurnichant sur une chaise de fer, avalant, reniflant, avec sa bouche toute blanche de bouillie, taquiné par le frère aîné qui mord à belles dents au plus épais d’une tartine. La pelisse paternelle, son pelage bourru contre le nez retroussé, son parfum fauve et délicat, sa teinte rouille plus rutilante que la robe en peluche râpée du compagnon de jeu et de lit. Soumis au gouvernement humiliant des servantes courbées à l’ouvrage autour du baquet à lessive qu’elles ont sorti sur le pré, dévêtu sans ménagement, soulevé de terre, étalé tout bouillant dans sa colère, le crâne casqué d’eau savonneuse qui lui pique les prunelles de son aigre venin, poings aux joues, pieds au ciel où flambe dans la vapeur le soleil comme une rose. La terreur qui remonte de son ombre profilée sur la tenture le chasse tout vêtu vers le lit-cage qu’il escalade d’un bond pour s’y raidir après trois signes de croix, les yeux grands ouverts comme un mort dans ses draps. Oreilles rouges, culotte de velours bâillant sur la pâleur des genoux, on le conduit par la main jusqu’au salon où les dames pomponnées s’étranglent de rire et de thé tandis que leurs doux doigts chatouilleurs le font niaisement se tortiller. Guindée dans son corsage et ses jupes, la vieille demoiselle aux cheveux de froment, au visage aride comme un livre, l’œil sermonneur sous un pince-nez violet. Vocabulaire en main, lentement on se met en route. Deux pas en avant, un pas en arrière. Très laborieusement on se fraye un chemin dans les broussailles du premier savoir pour déboucher au prix de bien des pleurs sur un jardin dessiné avec un art si parfait que quiconque y accède est tenu d’en respecter l’ordonnance séculaire. Petit voleur de poires, pour se déchagriner d’un traitement sans honneur, jouant avec le chien dans la resserre et lui parlant tout bas à l’oreille retournée comme un gant. Cavalcade de gamins court vêtus, hotte au dos, culottes retroussées sur des jambes terreuses, journaliers bénévoles ou d’occasion pour quelques sous, fiers comme des princes du sang escortant un équipage royal. Coups sourds des barriques charroyées à travers champs jus¬ qu’au vantail béant du cellier taillé en pente douce dans le roc, pareil à la cale d’un bateau où fume la fange vineuse sous la meule des pieds déchaussés. Les plus agiles juchés sur la gigantesque margelle de bois savourent le spectacle sphérique de ces travailleurs des ténèbres titubant épaule contre épaule à la lueur orange d’une lampe tempête. Le soir venu, une odeur forte et douce enrichit les visages d’une gaieté divine. On entonne sous la voûte des refrains scabreux. C’est l’heure de rameuter les enfants étourdis de sommeil qui renâclent pour la forme. Le vent sur la plus haute ligne des marées où roulent comme des dragées les galets gris tigrés de mauve, le vent souverain, sa froide saveur, son souffle fougueux qui vivifie jusqu’à l’os du crâne et des genoux l’enfant à l’écart séduit par les charmes de la mer. Grimpant à l’arbre pavoisé de fruits, enfourchant les branches jusqu’au nid, fanfaronnant pour tomber comme une pomme véreuse aux pieds de la fille de ferme qui rit aux éclats. Sur la plus haute marche du perron, jeune chat pelotonné dans l’étreinte des genoux maternels embaumés de Chypre. Elle toujours si rieuse et active, chercheuse de morilles aux bordures des chemins, chasseuse de vipères dans les bois interdits aux enfants, qui sait par des chansons égayer le chagrin et d’une tendre caresse désarmer les bouderies, dure à elle-même sans ostentation, aimant les tâches domestiques, les fourrures et les fêtes, elle si grande ouverte à la vie, mais ferme et clair¬ voyante, mais sensible comme un oiseau : certains soirs, l’enfant bordé au lit la voit si belle qu’il ne peut plus fermer les yeux. Loin des autres qui jouent dans la nuit, mêlant leurs rires à la fièvre de l’après-dîner, accroupi dans la chaleur secrète des bois, à écouter le discours d’un oiseau au plumage d’argent, son vif message chiffré, son appel étrange vers les fonds sans écho. Claustré au lit, front en nage, tempes battantes, il s’éveille par à-coups sous la lueur sulfureuse de la lampe pour étouffer sa frayeur entre les draps qui enflent, enflent à toute allure comme échappant à la prise des poings agrippés. La cheminée de marbre déplace son ventre pansu et béant sur les lattes du plancher où des pas résonnent militairement, les chaises étirent des pattes velues, le plafond oscille et se déboîte, ramages et passementeries vénéneuses se contorsionnent sur les rideaux d’andrinople à demi tirés. Dans le hublot du miroir, un vieillard chauve au teint crayeux le perce à jour de son regard oblique avec un mauvais rire. Une araignée géante se balance sur son fil au branle du halètement. Partout l’insécurité, la menace, l’épouvante tant qu’in¬ fusions et cachets n’auront pas déjoué le maléfice de la vision fébrile. Dressé sur la pointe des pieds au cœur du laurier dont il écarte le feuillage pour jeter de vilaines grimaces à la petite voisine en visite qui, pendue au bras de sa mère, mordille nerveusement ses tresses en feignant de ne rien voir que les roses admirées pour leur carnation et leur arôme sans égal comme il sied à des hôtes bien élevés. Toutes ces grandes personnes parlent sans répit et si fort qu’il se retire loin de leurs voix dans sa fable intérieure. Que le lit se referme délicatement sur le corps fourbu avec la main familière le long des joues qui invite au sommeil, et c’est encore le bien pur de l’enfance c’est son ciel paisible à peine troublé par la violence des larmes que transforme en sourire cette main protectrice dont la tache rose se garde comme un trésor au fond des paupières.
À travers ‘Ostinato’, Louis-René des Forêts nous rappelle la beauté des souvenirs d’enfance. Cette invitation à revisiter notre propre passé nous pousse à réfléchir sur nos expériences formatrices. N’hésitez pas à explorer d’autres œuvres de cet auteur fascinant et à partager vos réflexions sur ce poème.

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