back to top

Utilisation des poèmes : Tous les poèmes de unpoeme.fr sont libres de droits et 100% uniques "sauf catégorie poésie classique" .

Vous pouvez les utiliser pour vos projets, écoles, affichages, etc., en mentionnant simplement notre site.

⚠️ Les poèmes soumis par nos lecteurs qui souhaitent en limiter l'usage auront une mention spécifique à la fin. En l’absence de cette mention, considérez-les comme libres de droits pour votre usage personnel ou professionnel.

Profitez-en !

Partagez votre talent avec nous ! ✨ Envoyez vos poèmes et histoires via ou utilisez ce formulaire.
Tous les styles sont bienvenus, tant que vous évitez les sujets sensibles. À vos plumes !

Petite Gare Inconnue du Printemps

Dans ‘Petite Gare Inconnue du Printemps’, Maurice Chappaz nous plonge dans un voyage poétique où la nature et les émotions s’entrelacent. Écrit à une époque où l’art de la poésie se réinvente, ce poème révèle la beauté troublante du printemps, tout en explorant la nostalgie et l’amour perdu. À travers des images puissantes, Chappaz évoque la complexité de la vie humaine face aux cycles naturels.
Ai-je laisse passer la terre promise ? Les voyageurs sont nus et ivres et las et ils ont le mal du pays. Les champs ressemblent à des visages soucieux. L’aube écrit vite avec un bâtonnet d’ombre. Un verdier s’enfuit. Derrière les barreaux de ma vigne j’écoute le printemps. La pioche retient son souffle : les bourgeons sont fragiles comme du verre. Je desserre les lèvres de ma montagne. Je suis aux prises avec la première coupe de parfums ceux qui ont rongé la neige, les parfums porcs. Ce goût de pomme sure, cène odeur de bois pourri, d’humus et de vent, l’odeur du ventre d’une mère et d’une feuille d’arbre en voyage. Les collines sont giclées dans les trayons, les mousses se délivrent. Par millions les fleurs, les graines, les bestioles infimes, la cohue des larves d’insectes traversent leurs pertuis obscurs comme s’ils pérégrinaient tous par les vaisseaux de mon corps. Une Dame j’ai rencontrée en dedans de ma vigne. Je l’ai vue, j’ai cru en elle. Un baiser pareil à un flocon, de neige. Puis elle me planta là et me laissa à reverdir. J’ai été empoisonné comme par l’épine d’une aubépine blanche. Ce n’est rien le corps, c’est le cœur. L’un exige le monde, il marche avec un peu de maïs. . Il ressortira des tombes riant et glorieux à la première cloche du soleil, mais le cœur, je le crains, le mien dira : je veux la Nuit. A neige qui fond noire et à la cendre des arbres du printemps je fus livré. Et certes seule la Nuit peut avoir pitié de moi. La vilaine boisson des morts, le calice des trépassés, je l’ai bu, parce que ma mère était trop triste et je fus une flûte en bois tendre, en pommier doux. Désespère, désespère si tu veux aimer, alors seulement tu siffleras mieux que le merle en habit noir, juge étonné, chantre enthousiaste de la vie qui ne dure qu’un instant. Les vivants et les morts dans une ronde se donnent la main quand le merle sautille sur la neige. Il jubile, il jubile le merle… Il tombe telle une goutte d’eau, se relève d’un déclic de branche. Comme lui je vais de porte en porte et hardi ! j’offre mon cœur qui palpite, je le tends à une belle au bout d’un échalas. Prends-le, prends-le, la belle, lèche-le pour sa sueur de sang. Tel poète, telle Dame. Dans les vilaines seulement j’espère les douces. Elle est chaude ta vigne. Il est seul ton cœur. Mais tu cherches ton double, tu es dévoré. Tu es occulté. Tu l’as vu, le merle ? un note noire sur une portée de neige. Tu l’as entendue, ton église ? celle qui répète : cendre, cendre devant les pétales de cerisiers. (Et je ne l’ai pas accusée, je l’ai aimée.) Tu as fréquenté la ville basse ? Voici les maisons au retour qui écœure. Litanie des portes, combien de fois t’ai-je récitée ? Tous les pas au fond des impasses ont été mes répons. Les garçons entrent et sortent. Je vois le petit fanal des cigares de ceux qui attendent. Je lis dans ton carnet chaque matin : tordre sa lessive ; chaque soir : ayez pitié ! Ayez pitié de celui, quel qu’il soit, qui cherche les créatures, qui a été taxé par la dent de la vipère. Salut Dames, miroirs des alouettes, qui chassez à courre les pauvres troubadours et qui trébuchez aussi au violent jeu d’aimer. Vos lèvres sont des fruits, vos visages sont des nuits. Vous êtes nues plus sévères que vêtues. Votre chasteté de nymphe m’entraîne vers les alpages d’ombre et de sel, les lacs d’herbes amères où nous sommes notre propre chant d’oiseau. Oh ! qui n’a dit une fois : « Monde, détruis-toi ! petite pomme tavelée de sang offerte par Eve. » Vous m’inclinez à cet aveu : que le bonheur est cet instant de la mort qui dure toujours. La terre ainsi se savoure, l’esprit se marie. L’acte d’amour s’étend à tous les arbres, toutes les graines, tous les êtres qui naviguaient dans l’arche. On a envie du déluge pour s’abreuver comme d’un filet de source. Diseurs de vérités : même les pensées sont de la chair, même les pensées désirent pourrir. Ma vie s’est jouée dans une vigne, dans un bois, dans une vigne, entre les vierges sages et les vierges folles par un soir de printemps. J’interroge le guet qui passe, le guet du poète ! Au nom de la lune, parlez. — Qui vive ? — Ce sont vos maîtresses. — Où étes-vous ? — Outre-Dieu ! — Qu’êtes-vous à préparer ? — Du vide. — Et les baisers ? — Pour vous rendre impuissants. Le printemps, le printemps s’efface. Voici l’assomption des miettes d’ombre, leur désir d’être créées à nouveau, de naître à l’Eternel. Je me suis attendu moi-même au milieu de mon âge. Il faut faire la paix avec le monde par la prière, la plus pure des œuvres de la nuit, la bonne nourriture, la prière tel un être, le chant qui façonne l’invisible, qui tire de la nature les saints visages et c’est ainsi que le Christ paraît la grande affiche du matin, le crieur d’éternité. Il enseigne le mystère en plein jour, l’éveil conscient, l’efficace charité. Le Christ est là avec son coq la mort, le Christ comme une sentinelle : « Lève-toi, c’est l’aube ! » Et les amants s’étirent comme des paysans fourbus. Je suis né un jour que les papillons se brûlaient les ailes d’absence contre un falot à la porte de l’écurie. J’ai perdu la Dame que j’aimais. Klle était comme une religieuse, une religieuse de mon pays. Me voici cloué aux froids pétales de mai. Or j’ai tendu mes mains vers de lointains glaciers. Sur les vignes, au ralenti, tourbillonnent les chocards. Ils se choisissent dans un vol nuptial selon la hauteur. La petite pomme dans la cave sent l’odeur d’un mort qui ressuscite. Et je bois les gouttes de vinaigre de la terre. Et je vois tous les couples les membres en croix, je comprends les mots de douleur que disent leurs lèvres qui remuent. Est-il donc venu le temps d’émigrer de ma vigne où les ceps sont des corps ?
En laissant les mots de Chappaz résonner en nous, nous sommes invités à réfléchir sur notre propre rapport au monde et à la nature. N’hésitez pas à partager vos pensées sur ce poème et à découvrir d’autres œuvres de cet auteur fascinant.

💖 Soutenez notre travail ! 💖

Si nos poèmes et histoires ont touché votre cœur et apporté un peu de lumière à votre journée, nous vous invitons à soutenir notre projet, chaque don, même modeste, nous aide à continuer à créer et partager ces moments de douceur, de réflexion et d'émotion avec vous.
Ensemble, nous pouvons faire grandir cet espace dédié à la poésie et aux histoires, pour qu’il reste accessible à tous.

Merci de tout cœur pour votre générosité et votre soutien précieux. 🌟

➡️ Faites un don ici

Laisser un commentaire

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici