Quête de vérité sous un village oublié

Son nom, jadis chanté par les bouches mortelles,
S’est dissous dans le vent qui mordait ses chapelles.
Les maisons, spectres las aux murs lépreux et sourds,
Gardent l’écho lointain des rires et des jours.

Un cavalier s’avance en cette ombre stagnante,
D’argent et de sueur sa cuirasse ruisselante.
Galaad, chevalier à la quête insensée,
Cherche un secret enfoui au cœur de la pensée.

« Ô toi, vérité sainte, étoile inapaisée,
Montre-toi ! » crie son âme enflammée, brisée.
Les villageois, pareils à des feuilles d’automne,
Fuient son pas obsédant que le destin façonne.

Seule une enfant, aux yeux de lune et de mystère,
L’aborde en tendant l’eau d’une amphore éphémère :
« Pourquoi cherches-tu donc ce que nul ne contemple ?
La vérité se boit aux fontaines du temple. »

Il sourit, inclinant son heaume altier et sombre :
« Je suis l’aveugle roi d’un royaume sans ombre.
Rien ne peut apaiser ma soif, hormis l’éclat
Du diamant caché derrière le miroir plat. »

L’enfant, frêle roseau sous la brume qui pleure,
Murmure : « Suis le vol des corbeaux à cette heure.
Ils t’indiqueront l’antre où dort, silencieux,
Le vieux sage qui lit les astres dans les cieux. »

Le guerrier, éperonné par cette espérance,
S’élance vers les monts où gronde la souffrance.
La nuit tombe, drapant les rocs en linceul noir ;
Les étoiles s’allument en sinistres encriers.

Au seuil d’une caverne où gémit la tourmente,
Un vieillard aux regards de braise et de tourmente
L’accueille, déchiffrant son destin dans un pli
De parchemin jauni par les pleurs de l’oubli.

« Ton âme veut percer le voile des apparences ?
Sache que chaque pas creuse un puits de souffrances.
La vérité, fuyante hydre aux mille reflets,
Dévore ceux qui croient saisir ses secrets. »

Le chevalier, debout dans sa fougue insensée,
Clame : « Je braverai l’abîme et ses pensées !
Donne-moi le chemin, fût-il semé de lames,
Je veux voir le visage ignoré de mon âme. »

Le sage, lèvres sèches empreintes de tristesse,
Désigne un lac dormant où la brume se dresse :
« Plonge au cœur de ces eaux où nul soleil ne luit,
Et trouve ton reflet derrière l’aquilon. »

Sans hésiter, Galaad, héros de légende,
S’enfonce dans les flots que la peur ne défend.
Les vagues, enlacements de serpents taciturnes,
L’entraînent vers un monde où les soleils nocturnes

Illuminent des cieux de pourpre et de dédain.
Il marche, émerveillé, dans un jardin sans fin
Où les arbres de jade aux fruits de vérité
Chuchotent des secrets à l’humanité.

« Prends ce que tu désires », murmure une voix tendre,
« Mais sache qu’en saisir, c’est cesser de comprendre. »
Il tend la main, ravit un gemme étincelant…
Et soudain, l’univers se déchire en sanglots.

Le joyau n’est qu’un grain de sable illusoire,
Le jardin, un mirage aux couleurs de désespoir.
Le chevalier comprend, trop tard, l’ultime arrêt :
La vérité n’est rien que l’ombre d’un secret.

De retour au village, il cherche des visages,
Mais les murs et les gens sont devenus images,
Estompés dans un brouillard de mémoire morte.
L’enfant, spectre lointain, lui dit avant de partir :

« Tu as bu le néant que la lumière porte.
Ton nom sera la brume, ton règne, les portes
Claquantes de l’oubli où s’engouffrent les corps
Des fous qui ont cru voir au-delà de la mort. »

Et le preux, à genoux sous les cieux indociles,
Sent son armure choir en cendres inutiles.
Ses mains, jadis de fer, ne sont que vapeur folle,
Son cœur, un feu qui mange sa propre parole.

Le village s’efface, les pierres deviennent poussière,
Le vent emporte tout dans sa course première.
Galaad n’est plus rien qu’un souffle condamné
À errer, sans destin, dans un rêve terminé.

Ainsi finit l’épopée ardente et vaine
D’un homme qui voulut, dans sa folle haleine,
Étreindre l’absolu comme on serre un ami.
La vérité n’est qu’un fantôme qui a menti.

Et maintenant, passant, si ton âme inquiète
Croit voir, aux soirs d’automne, une ombre qui se traîne
Près des lacs sans reflets où les échos se meurent,
Sache que c’est son spectre, à jamais, qui demeure.