La Dernière Aurore de l’Île Éteinte
Une île oubliée dresse son noir réveil,
Ses rochers fendus par les larmes du tonnerre
Gardent les souvenirs d’un antique calvaire.
Là, vit Églantine, âme en lambeaux d’espoir,
Dont les yeux, deux joyaux, ignoraient l’encensoir,
Mais portaient l’océan dans leur profonde absence,
Reflets d’un cœur meurtri par l’exil et l’offense.
Son amant, Orian, guerrier au front brûlé,
Avait choisi les mers pour royaume étoilé,
Promettant de guérir, par quelque herbe lointaine,
Le mal qui rongeait l’île en sa fièvre inhumaine.
« Je reviendrai, dit-il, quand les cieux éclipseront
L’ombre de notre enfer, quand les dieux pardonneront. »
Mais les mois s’égrenaient en pluies taciturnes,
Et l’île exhalait son souffle vers les urnes.
Un matin où l’aurore avait des pleurs salés,
Églantine, écoutant les vents désespérés,
Vit surgir des écumes une nef fantôme,
Sans voile, sans couleurs, sans la clarté du dôme.
Orian gisait là, pâle comme un linceul,
Ses mains crispant encore un rameau de tilleul,
Tandis qu’à son côté, dans un éclat de pierre,
Luisait un diamant taillé pour la prière.
« Ce joyau, murmura-t-il d’un souffle rompu,
Est la clé des abysses où le destin a lu…
Il faut… » Mais le trépas scella sa bouche ardente,
Laissant la femme seule aux portes de l’attente.
La nuit vint, apportant les songes effrayants :
L’île, engloutie en un chœur de géants,
Les rochers hurlant vers les cieux sans étoiles,
Et le diamant noir dévorant les entrailles.
Églantine comprit, au prix de cent sanglots,
Que l’amour exigeait un ultime héraut :
Le bijou maudit, né des veines du monde,
Exigeait pour s’éteindre une âme pure et blonde.
Elle gravit alors les marches du volcan,
Où la lave en fusion rougissait le cadran
Des heures condamnées, des destins sans issue,
Et planta le joyau dans sa propre blessure.
« Que mon sang soit l’obole aux Parques consentie,
Que mon corps soit le pont où renaîtra la vie ! »
Ses mots, mêlés aux cris des gouffres séculaires,
Firent frémir la nuit d’épouvantables airs.
Le diamant absorba ses pleurs, ses souvenirs,
Son rire de jadis, ses secrets avenirs,
Puis, tel un œil divin percé dans les ténèbres,
Illumina les mers de ses rayons funèbres.
L’île trembla, crachant ses entrailles de feu,
Mais sous les cendres d’or, un miracle eut lieu :
Les champs stériles, soudain, verdoyaient de tendresse,
Les ruisseaux chantaient l’hymne oublié de jeunesse.
Orian, éveillé par ce jour baptismal,
Chercha en vain celle qui lui rendit le bal.
Seul le vent apporta, sur l’aile d’une mouette,
Un ruban teint du sang de l’ultime silhouette.
Désormais, chaque aube, quand l’horizon pâlit,
Une forme se tient au bord du grand récif :
Ombre qui tend les bras vers les nefs éphémères,
Gardienne éternelle des amours éphémères.
Et l’île, sous le deuil de ses cieux assombris,
Cache au creux de ses flancs un diamant meurtri,
Cristal où se reflète, éternel et fragile,
Le sacrifice inscrit au marbre de l’exil.
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