L’Étoile et l’Adieu
Franchit l’arche brisée où jadis l’or a lui.
Ses pas foulent les pleurs des pierres éventrées,
Dans la cité des morts, spectre aux chairs ulcérées.
Le clair-obscur des tours, squelettes orgueilleux,
Étreint son cœur de fer que ronge un feu pieux.
Sous la lune d’argent, son armure ruisselle,
Reflet d’un glaive ancien que le destin rappelle.
« Ô cité ! » murmure-t-il, voix creusée par les ans,
« Tes murs furent l’écrin des serments triomphants.
Où donc est ton drapeau, ta lyre, ton délire ?
Je ne vois que la nuit qui mord ton blanc porphyre. »
Un souffle répondit, plus léger qu’un linceul :
C’était une ombre en deuil, drapée d’un fil bleu,
Ses yeux deux lacs gelés où nageait l’espérance,
Ses mains, frêles roseaux tordus par la souffrance.
« Chevalier, as-tu vu s’éteindre les flambeaux
Qui dansaient sur les bords du fleuve aux clairs rideaux ?
J’attendis sous l’obscur, parmi les stèles chaudes,
Celui dont le courroux fit trembler les épaules.
Mais les astres menteurs ont bu son dernier chant…
Prends ceci. » Dans sa paume, un astre en or penchant,
Relique d’un amour scellé par les ténèbres,
Scintilla, puis tomba comme un fruit des ténèbres.
Il la saisit, sentant son âme se fêler :
« Pourquoi ce don funeste à mon destin souillé ?
— L’étoile est un adieu que le temps nous octroie,
Un souffle entre deux mondes où s’effrite la joie.
Pars avant que minuit n’écorche l’horizon :
La ville est un tombeau qui cherche sa prison. »
Mais lui, fixant l’éclat qui brûlait son armure,
Crut voir dans cette flamme une renaissance pure.
« Non ! Je ferai revivre en ces murs condamnés
L’écho des rires d’or que les cieux ont donnés !
Je forgerai l’espoir au creux de ces décombres,
Et l’aube renaîtra des entrailles des ombres ! »
La femme eut un sourire où dansait la douleur :
« L’espoir est un enfant qu’on berce avec malheur.
Regarde. » Elle ouvrit l’air d’un geste sépulcral :
Les ruines gisaient, corps sans âme et sans mal.
Soudain, l’astre en ses doigts s’éteignit, froid dément.
Le vent hurla plus fort, déchirant le serment.
La dame s’effaça, poussière parmi l’herbe,
Tandis qu’au loin grondait un tonnerre superbe.
Le guerrier, seul, étreint sa cuirasse d’acier,
Marchant vers les remparts où meurt le temps passé.
Il gravit les degrés d’un escalier de brume,
Et là, sous le regard d’une étoile qui fume,
Il comprit que l’adieu était sa vérité :
La renaissance est vaine où gît l’éternité.
Son cri se perdit dans les gorges de l’abîme,
Tandis que s’écroulaient les portiques sublimes.
L’étoile s’éteignit. La nuit mangea son nom.
Il ne resta qu’un heaume rougi sur un donjon,
Et l’ombre, désormais, qui berce les poussières
D’un amour enterré sous le poids des lumières.