Rime de queue
La rime de queue est une famille de formes de vers strophiques utilisées en poésie en français et surtout en anglais depuis le Moyen Âge, et probablement dérivée de modèles de versification latine médiévale. Un exemple simple en anglais est proposé par « Ballade d’Agincourt » de Michael Drayton, publié pour la première fois en 1605, avec une rime AAABCCCB ; les vers B plus courts (d’imètre) forment les lignes « queue » et apparaissent à intervalles réguliers parmi les vers plus longs (trimètres) :
Fair stood the wind for France,
When we our sails advance,
Nor now to prove our chance,
Longer will tarry;
But putting to the main,
At Caux, the mouth of Seine,
With all his martial train,
Landed King Harry. (lignes 1–8)
Cependant, les strophes de rime de queue peuvent prendre de nombreuses formes, contenant potentiellement plus ou moins de lignes que cet exemple. La rime de queue est un principe de construction, pas un modèle fixe ; la « strophe de Burns » est un exemple d’un modèle spécifique qui forme un sous-type de rime de queue.
Une strophe de rime de queue est unie par des lignes intermittentes qui riment toutes entre elles, mais ne riment pas avec les lignes adjacentes. Le plus souvent, comme dans l’exemple de Drayton ci-dessus, mais pas universellement, les lignes unificatrices de queue sont métriquement plus courtes que les lignes environnantes, et sont les lignes portant la deuxième rime entendue dans la strophe, la rime B. La plus courte strophe de rime de queue possible se compose de six lignes : deux couplets rimés, chacun suivi d’une ligne queue, AABCCB ou AABAAB. La rime AABAAB est la forme du poème « The Conquerors » de Paul Laurence Dunbar :
Round the wide earth, from the red field your valor has won,
Blown with the breath of the far-speaking gun,
Goes the word.
Bravely you spoke through battle cloud heavy and dun.
Tossed though the speech toward the mist-hidden sun,
The world heard. (lignes 1–6)
Un « quatrain de rime de queue » (ABAB) n’est pas normalement considéré comme de la rime de queue dans la prosodie anglaise, mais plutôt comme un sous-type de mètre commun. La rime de queue n’a pas besoin d’employer des couplets, comme dans l’exemple ci-dessus de Dunbar, ou des blocs de trois lignes, comme dans l’exemple de Drayton. Le poème « The Lady of Shalott » d’Alfred, Lord Tennyson utilise une structure AAAABCCCB, avec la deuxième ligne queue répétée tout au long comme un refrain :
Willows whiten, aspens shiver.
The sunbeam showers break and quiver
In the stream that runneth ever
By the island in the river
Flowing down to Camelot.
Four gray walls, and four gray towers
Overlook a space of flowers,
And the silent isle imbowers
The Lady of Shalott. (version de 1832, lignes 10–18)
D’autres variations dans l’arrangement des rimes sont possibles. Le poème « To Night » de Percy Bysshe Shelley propose un exemple complexe, dans lequel les lignes queue viennent en deuxième et dernière position dans une strophe de sept lignes, et la quatrième ligne partage leur rime mais reste de pleine longueur (ABABCCB). Malgré son agencement inhabituel, ce poème est généralement admis comme un exemple de rime de queue :
Swiftly walk o’er the western wave,
Spirit of Night!
Out of the misty eastern cave,
Where, all the long and lone daylight,
Thou wovest dreams of joy and fear,
Which make thee terrible and dear,—
Swift be thy flight! (lignes 1–7)
Dans les premiers siècles de sa popularité, les structures de rime de queue pouvaient s’étendre à des longueurs considérablement plus grandes. Le roman moyen anglais « Sir Perceval of Galles » est écrit en strophes de seize lignes AAABCCCBDDDBEEEB :
Lef, lythes to me
Two wordes or thre,
Of one that was faire and fre
And felle in his fighte.
His righte name was Percyvell,
He was fosterde in the felle,
He dranke water of the welle,
And yitt was he wyghte.
His fadir was a noble man;
Fro the tyme that he began,
Miche wirchippe he wan
When he was made knyghte
In Kyng Arthures haulle.
Beste byluffede of alle,
Percyvell thay gan hym calle,
Whoso redis ryghte. (lignes 1–16)
En termes modernes quelque peu anachroniques, les lignes principales de cette strophe sont en trimètre tandis que les lignes queue sont en dimètre. Les strophes de rime de queue émergent en vieux français, anglo-normand et moyen anglais. Aucun traité survivant de la période ne discute explicitement de la construction ou des origines de la rime de queue, donc des estimations doivent être faites en examinant les textes survivants eux-mêmes. Cette tâche est compliquée par le fait que la rime de queue est un simple principe formel et pourrait avoir été inventée en plusieurs endroits à plusieurs moments. La recherche la plus récente suggère que la rime de queue a commencé comme une imitation de la soi-disant « séquence victorine » associée au poète du XIIe siècle Adam de Saint Victor et utilisée dans de nombreux hymnes latins. L’hymne largement populaire du XIIIe siècle « Stabat mater dolorosa » illustre une séquence victorine :
Stabat mater dolorosa
iuxta Crucem lacrimosa,