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Solitude sous un village oublié

Plongez dans l’univers mélancolique d’un village oublié, où les pierres murmurent des histoires enfouies et où un peintre, hanté par ses démons intérieurs, tente de ressusciter un passé évanoui. Ce poème explore la quête désespérée de l’artiste pour fixer l’éphémère et la solitude qui en découle.
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Le Crépuscule des Ombres

Au fond d’un vallon où le temps s’est fracturé,
Un village dort sous les cendres du passé,
Ses murs éventrés par les lianes voraces,
Ses chemins perdus où glissent les spectres las.
Là, vient errer un homme au regard de brume,
Portant sur son dos l’écharpe des déroutes,
Peintre dont les doigts tremblent, avides de lumière,
Cherchant dans ces pierres l’âme de sa matière.

Il se nommait Lucien, ou peut-être Octave,
Nul ne sut jamais le secret de son âme,
Mais ses toiles, disait-on, pleuraient des sanglots bleus,
Et les nuits s’y perdaient en murmures fiévreux.
Un jour, il quitta les salons aux rires vains,
Pour suivre un fantôme à la robe d’autrefois,
Celle qui dansait dans les plis de sa mémoire,
Évanouie un soir de lilas et d’espoir.

Le village accueillit ses pas hallucinés,
Chaque pierre lui conta des jours effacés :
L’auberge où jadis brillaient des voix familières,
Le puits asséché qui butinait les prières,
Et la maison du nord, croulant sous les hiboux,
Dont une fenêtre saignait encore de loups.
« C’est ici », chuchota le vent entre les branches,
« Ici que tu dois peindre l’absence qui se penche. »

Il installa son chevalet dans le vieux moulin,
Où les meules muettes broyaient des souvenirs,
Et chaque matin, il guettait sur les collines
Le profil fuyant d’une ombre qui le narguait.
Les couleurs naissaient en clameurs sourdes,
L’ocre mordait la toile en râles de blessés,
Le vert se faisait cendre, le bleu déliquescence,
Et le rouge… Ah, le rouge était un cri qui s’étire.

Un soir qu’il traçait des spirales de mélancolie,
Une forme glissa derrière les peupliers :
Robe couleur de crépuscule, cheveux d’averse,
C’était elle, Marguerite, ou son refus obsédant.
« Enfin ! » cria-t-il, mais la silhouette s’effaça,
Laissant dans son sillage un parfum de réglisse
Et cette voix qui n’appartenait qu’aux trépassés :
« Pourquoi vouloir fixer ce que le temps efface ? »

Il courut, ivre de vertige et de pigments,
À travers les ruelles que hantaient ses regrets,
Tandis que les murs semblaient murmurer son nom,
Chaque pierre un fragment de sa propre prison.
Dans le cimetière aux anges sans visage,
Il la vit debout près d’une stèle sans âge,
Les mains pleines de pétales morts et de pluie,
« Je suis le souvenir qui ne veut plus qu’on oublie. »

Nuits folles où le pinceau dansait sur l’abîme,
Il peignait fiévreusement leur jeunesse enfuie :
Les matins de guingois où leurs rires claquaient,
Les promesses écrites dans l’écorce des chênes,
Et ce baiser volé sous la grotte aux vipères,
Dont le goût amer lui brûlait encore les lèvres.
Mais plus il traquait l’éclat de leurs vingt ans,
Plus les couleurs fuyaient en ruisseaux sanglotants.

Un jour, le village entier se mit à trembler,
Les maisons exhalaient des soupirs de damnés,
Les portraits anciens pleuraient de l’huile noire,
Et dans le miroir brisé de l’épicerie,
Lucien vit son visage creusé par les ans,
Stries violentes où se lisait son abandon.
« Tu as voulu ressusciter un feu sans braise, »
Grogna le vent, « maintenant paie ton entreprise. »

L’ultime toile naquit dans un hurlement sourd,
Où Marguerite dansait avec un autre amour,
Un inconnu au sourire de lune rongée,
Tandis qu’au premier plan, lui-même s’effaçait.
Les couleurs explosèrent en tempête mauve,
Dévorant les traits, les contours, les éclats,
Jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un vide parfait,
Cercle blanc où se brisa son cœur discret.

Au matin, les corbeaux trouvèrent son corps raide,
Pris dans les racines du vieux tilleul malade,
Ses yeux grands ouverts buvaient la pluie cinglante,
Et sur sa poitrine, une lettre froissée :
« J’ai cru que l’art pourrait vaincre l’éternel,
Mais je ne suis qu’un pâle imitateur du ciel,
La solitude était le prix de mon audace,
Et mon chef-d’œuvre… ah… c’est cette absence en face. »

Le village engloutit peinture et souvenirs,
Les murs s’effondrèrent en silencieux soupirs,
Et quelque part, une toile erre entre les nuages,
Peuplée de rires morts et d’amours sans visages.
Ne cherchez pas son nom au fronton des musées :
Le génie n’est souvent qu’un sanglot contrarié,
Un homme qui voulut, dans sa folle arrogance,
Peindre l’irréparable distance de l’absence.

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À travers ce récit poignant, nous sommes invités à réfléchir sur notre propre rapport au temps, à l’art et à l’absence. La quête de Lucien nous rappelle que certaines distances ne peuvent être comblées, et que parfois, l’essence même de la vie réside dans l’acceptation de ce qui ne peut être changé. La solitude, bien que douloureuse, peut aussi être une source de profonde introspection et de création.
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Auteur: Jean J. pour unpoeme.fr

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