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Souvenirs d’enfance sous une mer en furie

Plongez dans ‘Souvenirs d’enfance sous une mer en furie’, un poème poignant qui explore les profondeurs de la mémoire et de la perte. À travers des images puissantes et des émotions brutes, ce texte évoque la lutte d’un artiste pour capturer l’essence d’un amour perdu, alors que la mer, à la fois muse et destructrice, tente d’effacer ce qui reste de son passé.

L’Encre et l’Écume

Il arrivait lorsque la vague en pleurs rongeait les rocs,
Portant dans ses doigts tremblants l’ultime pinceau vierge,
Cherchant parmi les sanglots de la marée montante
Le profil d’un visage bu par les lames d’antan.

La mer hurlait son deuil en langue de tempête,
Souffle salé mêlant râles et souvenirs éventrés,
Et lui, fantôme aux yeux chargés de brumes mortes,
Fouillait l’horizon vide où dansait un rire éteint.

*« Souviens-toi », murmurait le vent en écorché vif,*
*« Des pas légers fuyant l’assaut des flots voraces,*
*De la main qui serrait la tienne avant le naufrage,*
*Du prénom que la nuit mangea comme un pain frais. »*

Il peignait. Traits fiévreux sur la toile humiliée,
Silhouette d’enfant courant vers les bras absents,
Robe claire avalée par le gouffre qui gronde –
L’océan dans sa gorge reproduisait leurs adieux.

Trois couleurs pour sculpter l’instant avant la chute :
Blanc d’écume sur les joues de la mère envolée,
Bleu d’abîme où se noyaient ses dernières promesses,
Gris de cendre au creux des dunes témoins impuissants.

*« Ne regarde pas ! »* criait la voix des profondeurs,
Mais l’enfant-artiste fixait déjà le drame :
Le châle qui flottait tel un drapeau de déroute,
Les cheveux dénoués mêlés aux algues rousses…

Vingt ans avaient tissé leur linceul sur ces heures.
Le peintre maintenant, bras ouverts face au supplice,
Buvait le sel des larmes que le ciel refusait –
Son art n’était qu’un leurre, un bouclier troué.

Soudain, dans le chaos des vagues hystériques,
Un éclair déchira le masque de l’oubli :
Il vit, net comme un coup de couteau dans l’aurore,
La petite main tendue vers le phare éteint.

Frénésie sacrée ! Il courut, palette en croix,
Mêlant aux flots sa sueur, son sang, ses pigments noirs.
Chaque touche ressuscitait un morceau d’elle –
Le ruban mauve au cou, les souliers éculés…

Mais la mer, jalouse déesse aux doigts sans visage,
Engloutit d’un revers le portrait à moitié.
L’artiste hurla, s’arc-boutant contre les éléments,
Collant sa joue au bois où survivait un sourire.

Toute la nuit dura ce duel de titans obscurs :
L’homme clouant au présent ce que le temps dévore,
L’océan vomissant sa haine des éternels,
Râpant les contours saints avec ses dents de sel.

Quand l’aube émergea, livide, de sa gangue,
Il gisait enlacé à son œuvre achevée –
La mère souriait sous les lauriers d’écume,
L’enfant lui tendait un coquillage imaginaire.

Un flot rogue lécha la signature au bas,
Emportant dans son rire le nom de l’absente.
Le peintre ne pleura pas. Déjà, sous ses paupières,
La marée montait, effaçant jusqu’à l’absence.

Il reste aujourd’hui, près des rochers suintants,
Une tache de bleu que la pluie n’a pas prise :
Deux silhouettes fondant dans le crépuscule,
Et sur le sable écrit – *« Elle reviendra demain »* –
Phrase que chaque soir la mer rend à son vide.

Ce poème nous rappelle que la vie est un équilibre fragile entre mémoire et oubli, entre création et destruction. Il nous invite à réfléchir sur la manière dont nous préservons nos souvenirs, même face à l’inexorable passage du temps. La mer, symbole de l’éternité et de la fugacité, nous enseigne que même dans la perte, il reste une trace, une tache de bleu que la pluie n’efface pas.
Auteur: Jean J. pour unpoeme.fr

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