De verrouiller le soir vos puissantes maisons,
Et toujours avisà©s, quand la grande nuit tombe,
Riches, vous faites bien de maà§onner vos tombes.
Riches, je vous comprends. Encor que décharnĆ©s,
Princes, comtes, barons, gens de bien, vous craignez
En ce sombre séjour, les mauvaises manières,
Les propos déplacés, les façons familières
Des gueux qui pour dormir sous des tertres voisins,
Pourraient croire qu’ils sont quelque peu vos cousins ?
Et puis, si votre fosse Ʃtait mal cimentƩe,
Les moellons mal taillés des quatre murs, disjoints —
Qui sait si succédant à vos filles de joie,
Aux cyniques catins dont vous Ʃtiez la proie,
Des racines pressant vos cƴtes tourmentƩes,
Dans leurs embrassements vous Ʃtoufferaient point ?
Voyez-vous que des lys ou des roses trémières
Vous volent vos écus pour leur cœur de lumière ?
Que des rats, mal nourris par les morts qui néont rien
Grignotent pour finir ce qui vous appartient ?
Non non, riches, je vous comprends. Chacun chez soi,
Pour toujours ! Le caveau, c’est plus sûr.
Quant Ć moi,
…
Extrait de:
1906, L’Ombre et les Proies