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Troisième Chant

Le ‘Troisième Chant’ de Jean-Joseph Vadé est une œuvre essentielle de la poésie du XVIIIe siècle qui met en lumière les luttes quotidiennes des classes laborieuses. À travers son style satirique et humoristique, Vadé critique les disparités économiques et l’absurdité des conventions sociales de son époque. Ce poème reste significatif aujourd’hui, car il explore des thèmes universels comme le travail, la fortune et l’espoir d’un avenir meilleur. Plongez dans ce texte et découvrez comment l’art poétique peut dénoncer et réfléchir sur la condition humaine.
LE travail, les soins et la peine Furent faits pour la gent humaine. Il est des travaux différens, Selon les états et les rangs. Tout le monde ne peut pas naître Prince, Marquis, Richard, ou Maître ; Mais chacun vit de son métier ; Vive celui de Maltôtier : C’est où la bizarre fortune En suant roule la pécune A la barbe des pauvres gens. Serons-nous toujours indigens, Nous dont les labeurs d’une année N’acquitteroient point la journée Qu’un Sous-Traitant passe à dormir ? Espérons tout de l’avenir. Mais en attendant qu’il nous vienne Un sort heureux qui nous maintienne Dans un état toujours oisif, Il faut moi, que d’un air pensif Je cherche et trouve par ma plume Le Tabac que par jour je fume ; Car non content d’être rimeur, J’ai le talent d’être fumeur ! Il faut pour la paix du ménage Que Jean-Louis se mette en nage En travaillant au bois flotté ; Que Jérôme de son côté, Comme la Tulipe d’un autre, Suivant les loix du Saint Apôtre, Aillent chrétiennement chercher De quoi dîner, souper, coucher ; Que leurs femmes laborieuses, De vieux chapeaux, fières crieuses, En gueulant arpentent Paris, Pour aider leurs pauvres maris. Lorsque leur Ange tutélaire Les conduit vers un Inventaire, Pour elles c’est un coup du Ciel. Un jour sur le Pont Saint-Michel Il s’en fit un. Elles s’y rendent. En arrivant elles entendent A vingt sols la table de bois ! Une fois, deux fois, et trois fois, Adjugez. «- Quoi donc qu’on adjuge ? «Tout doucement, Monsieux le Juge, «Dit Nicole, je mets deux sols. – Par dessus ? «- Où donc ? Par-dessous «Tien ! Veut-il pas gouayer le monde !… «C’est dommage qu’on ne le tonde, «Car ses cheveux sont d’un beau blond ! «- La mère vous en sçavez long, Dit l’Huissier, emportez la table. «- Hé mais vrament, Monsieux capable ! «Reprend Margot, chacun pour soi…» «- Hé par la saguergué, tais-toi, «Dit Françoise en haussant l’épaule, «Laisse Monsieux jouer son rôle, «Vas-tu gueuler jusqu’à demain ! «Note maître, allez vote train. Soudain meubles de toute espèce Furent vendus pièce par pièce ; Mais nottez que chaque achetant Recevoit son paquet comptant De la part de nos trois commères : Quiconque poussoit les enchères Un peu haut étoit empoigné Et s’en alloit le nez cogné ; Témoin une jeune fringante, En mantelet, robbe volante, En bonnet à grand papillon, Qui la dansa, mais tout du long. Ce fait vaut bien qu’on le distingue, C’est à propos d’une seringue, Qui par elle mise hors de prix, De Françoise excita les cris. «- C’est pour vous ! Gardez-la, dit-elle. «Hé ! Margot ? Vois donc s’te d’Moiselle ! «Sa figure a ma foi bon air ! «C’est un p’tit chef-d’oeuvre de chair ! «Parlez donc, la belle Marchande ? «C’est-t’y pour laver vote viande «Que vous emportez ce bijou ? «Vous vous récurez plus d’un trou ! «- Vous êtes une impertinente, Dit la demoiselle tremblante, «Cessez un propos clandestin. «- Allez ! J’n’entendons pas l’latin, «La Belle, crandestin vous-même, «Avec son visage à la crême ! «Et puis ses deux yeux mitonnés ! «Quoi donc qu’alle a dessous le nez «Qu’est noir ! Monguieu ! C’est une mouche «Allez ! Qu’un cent d’Suisses vous bouche ! «Pour le coup, mon chien de poulet, «C’est ben la mouche dans du lait. «Quoi ! Vous vous en allez, ma reine ! «Adieu, bel Ange. Ah ! la vilaine, «Qui donne à tetter à son cu ! «Allez seringue ! – Y pense-tu, «Dit Margot, veux-tu ben te taire, «Gueule de chien, vla l’Commissaire. «- Çà ! tu gouayes, c’est un Abbé. «Pargué va, le vla ben tumbé, «S’il vient pour nous ficher la gance. Mesdames, un peu de silence, Leur dit modestement l’Huissier. Ensuite il se met à crier Un Jupon d’étamine noire, Qu’on prit d’abord pour de la moire, Tant les taches l’avoient ondé. Margot l’ayant bien regardé, Passe d’un sol. On le lui laisse. Soudain l’Abbé fendant la presse, Sur-offre de dix-huit deniers. «- Bon ! Les offrez-vous tout entiers ! «Dit Margot faisant la grimace, «Par ma foi, Monsieur Boniface ; «Quand vous auriez quatre rabats, «Vla l’jupon, mais vous n’l’aurez pas. «Son mantiau tumbe par filandre ! «Au lieur d’acheter faut vous vendre. «T’nez, rapportez-vous-en à nous, «A six blancs l’Abbé de deux sols ! «Le veux-tu prendre toi, Nicole ? «- Qui, moi ? Tiens, je serois donc folle ; «Je perdrions moitié dessus. «- Françoise ? et toi ? – Ni moi non plus ; «Tu le garderas toi, je parie ? «Moi ? J’n’avons pas d’ménagerie ; «Qu’en ferons-je donc ? Dame ! Voi. «- Voi toi-même, allons, parle. – Moi ? «J’en fais un heurtoir de grand’porte. «Et toi ? – Moi ! Que l’Diable l’emporte, «Il en fera son Aumognier. L’Abbé penaut comme un panier, Dit : – Vous êtes des harrangères, Finissez, trio de mégères. «- Ménagères ! quand je voulons, «Avec ses souliers sans talons ! «Le vla dans un bel équipage, «Pour parler de note ménage ! «C’est vrai ! Quoi qu’il vient nous prêcher ? «Ne t’avise pas d’approcher, «Car le Diable me caracole, «Si je ne t’applique une gnole «Qui tiendroit chaud à ton grouin, «Diable de Peroquet à Foin ! «Mousquetaire des Piquepuces ! «Jardin à poux, grenier à puces. Elles l’auroient mangé, si on N’eut remis la vacation A deux heures de relevée. Ce n’étoit là qu’une corvée Pour nos trois femelles. Aussi En revanche, l’après-midi Mains effets elles achettèrent. Puis chez elles s’en retournèrent ; Où leurs trois maris cependant Chopinoient en les attendant. Les nipes sur la table posées, Et les commères reposées, Il fallut vuider, ou lotir, Cela veut dire répartir L’achat des meubles fait entre elles ; Bon sujet à bonnes querelles. Margot déjà commence par Sauter sur la meilleure part ; C’étoit un rideau de fenêtre. «- Tu laisseras ça là peut-être, «Dit Françoise, ou ben j’allons voir. Nicole qui le veut avoir Aussi bien que ses deux compagnes, Dit : «- tu le vois, et tu le magnes ; «Mais vla qu’est ben, restes-en là. «- Qui toi ! Chaudière à cervela ! «S’te vieille allumette sans souffre ! «Monguieu ! Vla qu’alle ouvre son gouffre ! «Prenez garde, all va m’avaler. «- Vas, tu fais ben de reculer, «Dit Margot, contre ton chien d’homme, «Car sans ça, tien, tu verrois comme «J’équiperions ton cuir bouilli ! «Cadavre à moitié démoli ! «Vas, poivrière de Saint-Côme, «Je me fiche de ton Jérôme ! Alors sautant sur le rideau, Elle en arrache un grand lambeau. Françoise, de son côté tire, Et tire tant, qu’elle déchire Même portion que Margot ; Nicole eut le troisième lot, Non sans vouloir faire le Diable ; Mais Jean-Louis d’un air affable, Voulant appaiser le débat, Leur dit : «- Sagueurgué, queu sabbat ! «Tien femme, agonise ta goule ! «Crois-moi : milguieux, si j’étois soule, «J’dirois, hé ben ! c »est qu’alle a bu. «Finis donc ! Un chien qu’est mordu «Mord l’autre itou, coûte que coûte. A ce conseil Jérôme ajoute Son avis, dit-il, écoutez. «- Pour un rien vous vous argottez. «Quoi qui vous met tant en colère ? «Des gnilles ! Vla ce qui faut faire, «Faut les solir cheux l’Tapissier, «Hé puis partager le poussier. «- Copère, interrompit la Tulipe, «Je donnerois quasi ma pipe «Pour être comme toi chnument «Retors dans le capablement ; «Tu dis ben, faut faire s’te vente, «Et drès demain dà, je m’en vante, «Ou ben moi, je fiche à voyeau «Les pots, les chenets, le rideau, «Le lit, les femmes, et la chambre. Lors tremblantes en chaque membre, Elles firent ce qu’on voulut, Hé puis qui voulut boire, but.
Ce poème nous invite à méditer sur les réalités du travail et de la fortune. N’hésitez pas à partager vos réflexions sur le ‘Troisième Chant’ et à explorer d’autres œuvres de Jean-Joseph Vadé pour enrichir votre compréhension de la poésie française.

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