sans souffrance, avec le sourire mort
de lâhomme qui a compris. Le soleil lui aussi glisse au loin,
en rougissant les plages. Un jour viendra oĂš le dieu
ne saura plus oĂš ĂŠtaient les plages de jadis.
On sâĂŠveille un matin : lâĂŠtĂŠ est dĂŠjĂ mort,
dans les yeux grondent encore des splendeurs,
comme hier, et Ă lâoreille le fracas du soleil
devenu sang. Le monde a changĂŠ de couleur.
La montagne ne touche plus le ciel ; les nuages
ne sâamoncellent plus comme les fruits ; dans lâeau
pas un galet nâaffleure. Un corps dâhomme
se courbe pensif, oĂš respirait un dieu.
Câest la fin du grand soleil dâĂŠtĂŠ et de lâodeur de terre
et de la route libre, animĂŠe par un peuple
qui ignorait la mort. On ne meurt pas lâĂŠtĂŠ.
Si quelquâun venait Ă disparaĂŽtre, il y avait le jeune dieu
qui vivait pour les autres et ignorait la mort.
Sur lui, la tristesse nâĂŠtait que lâombre dâun nuage.
Son pas ĂŠtonnait la terre.
Maintenant,
la lassitude pèse sur les membres de cet homme,
sans souffrance : la calme lassitude dâune aube
ouvrant un jour de pluie. Les plages assombries
sur lesquelles jadis il nâavait quâĂ poser son regard
ne connaissent plus le dieu. Et lâocĂŠan de lâair
ne revit plus au souffle. Les lèvres de lâhomme
se plissent rĂŠsignĂŠes, pour sourire devant la terre.
Extrait de:
1979, Travailler fatigue (Gallimard)