Les Larmes du Désert Éternel
Une femme marchait, spectre aux voiles de soie,
Ses pieds blessés traçant des chemins sans espoir,
Dans l’océan de sable où se meurt le savoir.
Son nom, jadis chanté par les fontaines claires,
N’était plus qu’un soupir rongé par les poussières,
Et son cœur, autrefois temple aux ardents flambeaux,
Gardait l’ombre d’un rêve éteint dans ses tombeaux.
Le désert, infini, dévorait son haleine,
Ses lèvres desséchées buvaient l’aube incertaine,
Quand soudain, à mirage où le destin se tord,
Un cavalier surgit aux crins couleur d’or mort.
Son cheval, fantôme pâle aux sabots de brume,
Fendait les horizons d’une épaule posthume,
Et l’homme, couronné d’un silence éclatant,
Portait au front l’écho d’un amour défunt.
« Voyageuse égarée en ces lieux sans prières,
Pourquoi fuis-tu ton ombre et les lueurs dernières ? »
Sa voix, fleuve d’argent aux rives de regret,
Coulait dans le néant où tremblait son secret.
Elle répondit, les yeux noyés de nostalgie :
« Je cherche un mot perdu que le vent m’a repris,
Un serment évaporé dans l’heure suprême
Où ma vie a glissé comme un sanglot sans thème. »
Il descendit, drapé de nuit et de mystère,
Et posa sur son front une main éphémère :
« Je suis l’errant qui hante les songes interdits,
Le miroir brisé où se fissure l’oubli.
Ton chagrin est un lac que la lune traverse,
Mais nos destins sont fils d’une même averse :
Condamnés à s’unir pour mieux se déchirer,
Afin que l’univers puisse en respirer. »
Ils marchèrent trois nuits sous les comètes pâles,
Trois jours brûlants peuplés de funèbres scandales,
Échangeant des mots que le sable étouffait,
Des aveux emportés par les fièvres d’été.
Il parlait de jardins où les roses sont reines,
De fontaines chantant des hymnes sous les frênes,
Elle, de ses hivers sans feu ni lendemain,
D’un amour éclipsé par quelque obscur dédain.
Un soir, près d’un rocher sculpté par les siècles,
Il prit son visage entre ses doigts fragiles :
« Ton âme est une plaie ouverte à l’infini,
Mais je ne suis que l’eau qui fuit entre tes doigts.
Notre histoire est écrite en cendres et en vent,
Un baiser volera comme un cri déchirant.
Accepte que l’adieu soit notre seul poème,
Car aimer, pour nous deux, c’est mourir soi-même. »
Elle crut voir ses yeux fondre en pluie d’ambre claire,
Son corps se délier en vapeur légère,
Tandis qu’un tourbillon dansait avec fureur,
Emportant à jamais l’étrange enchanteur.
Restait seul, à ses pieds, un collier de rosée,
Breloque d’un instant que le temps a osée,
Et l’immense désert, plus vaste encore après,
Quiétiste tombeau de leurs silences épais.
Les années ont rougé les traces de leur passage,
La femme n’est plus qu’une ombre sans visage,
Qui murmure aux dunes, aux serpents de sable,
L’histoire d’un amour à jamais impossible.
Et quand la lune verse son lait froid sur les pierres,
On entend gémir, dans la langue des pierres :
« Je t’attendais depuis l’aube des premiers pleurs,
Et tu n’es qu’un sanglot dans la chanson des heures. »
Maintenant, voyageur perdu dans ces étendues,
Si ton cœur trop humain cherche une âme perdue,
Écoute le simoun qui pleure en se tordant :
Chaque grain de poussière est un amour ardent,
Chaque rafale un chant de passion brisée,
Chaque dune un linceul pour quelque fiancée.
Et marche sans retour vers l’horizon maudit,
Car nul ne guérit du désert infini.
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