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À Monsieur D’avanson

Le poème ‘À Monsieur D’avanson’ de Joachim Du Bellay, issu du recueil ‘Les Regrets’, nous plonge dans les pensées d’un poète en exil cherchant du réconfort auprès de la Muse. Écrit au 16ᵉ siècle, ce poème résonne avec des thèmes universels de douleur, de recherche de sens et de la puissance de la création littéraire. Loin de sa terre natale, Du Bellay évoque le rôle essentiel de la poésie pour échapper à l’ennui et au désespoir.
(Conseiller du Roi.) Si je n’ai plus la faveur de la Muse, Et si mes vers se trouvent imparfaits, Le lieu, le temps, l’âge où je les ai faits, Et mes ennuis leur serviront d’excuse. J’étais à Rome au milieu de la guerre, Sortant déjà de l’âge plus dispos, A mes travaux cherchant quelque repos, Non pour louange ou pour faveur acquerre. Ainsi voit-on celui qui sur la plaine Pique le boeuf ou travaille au rempart Se réjouir, et d’un vers fait sans art S’évertuer au travail de sa peine. Celui aussi, qui dessus la galère Fait écumer les flots à l’environ, Ses tristes chants accorde à l’aviron, Pour éprouver la rame plus légère. On dit qu’Achille, en remâchant son ire, De tels plaisirs soulait s’entretenir, Pour adoucir le triste souvenir De sa maîtresse, aux fredons de sa lyre. Ainsi flattait le regret de la sienne Perdue, hélas, pour la seconde fois, Cil qui jadis aux rochers et aux bois Faisait ouïr sa harpe thracienne. La Muse ainsi me fait sur ce rivage, Où je languis banni de ma maison, Passer l’ennui de la triste saison, Seule compagne à mon si long voyage. La Muse seule au milieu des alarmes Est assurée et ne pâlit de peur : La Muse seule au milieu du labeur Flatte la peine et dessèche les larmes. D’elle je tiens le repos et la vie, D’elle j’apprends à n’être ambitieux, D’elle je tiens les saints présents des dieux Et le mépris de fortune et d’envie. Aussi sait-elle, ayant dès mon enfance Toujours guidé le cours de mon plaisir, Que le devoir, non l’avare désir, Si longuement me tient loin de la France. Je voudrais bien (car pour suivre la Muse J’ai sur mon dos chargé la pauvreté) Ne m’être au trac des neuf Soeurs arrêté, Pour aller voir la source de Méduse. Mais que ferai-je afin d’échapper d’elles ? Leur chant flatteur a trompé mes esprits, Et les appas auxquels elles m’ont pris D’un doux lien ont englué mes ailes. Non autrement que d’une douce force D’Ulysse étaient les compagnons liés, Et sans penser aux travaux oubliés Aimaient le fruit qui leur servait d’amorce. Celui qui a de l’amoureux breuvage Goûté mal sain le poison doux-amer, Connaît son mal, et contraint de l’aimer, Suit le lien qui le tient en servage. Pour ce me plaît la douce poésie, Et le doux trait par qui je fus blessé : Dés le berceau la Muse m’a laissé Cet aiguillon dedans la fantaisie. Je suis content qu’on appelle folie De nos esprits la sainte déité, Mais ce n’est pas sans quelque utilité Que telle erreur si doucement nous lie. Elle éblouit les yeux de la pensée Pour quelquefois ne voir notre malheur, Et d’un doux charme enchante la douleur Dont nuit et jour noue âme est offensée. Ainsi encor la vineuse prêtresse, Qui de ses cris Ide va remplissant, Ne sent le coup du thyrse la blessant, Et je ne sens le malheur qui me presse. Quelqu’un dira : De quoi servent ces plaintes ? Comme de l’arbre on voit naître le fruit, Ainsi les fruits que la douleur produit Sont les soupirs et les larmes non feintes. De quelque mal un chacun se lamente, Mais les moyens de plaindre sont divers : J’ai, quant à moi, choisi celui des vers Pour désaigrir l’ennui qui nie tourmente. Et c’est pourquoi d’une douce satire Entremêlant les épines aux fleurs, Pour ne fâcher le monde de nies pleurs, J’apprête ici le plus souvent à rire. Or si mes vers méritent qu’on les loue Ou qu’on les blâme, à vous seul entre tous Je m’en rapporte ici : car c’est à vous, A vous, Seigneur, à qui seul je les voue : Comme celui qui avec la sagesse Avez conjoint le droit et l’équité, Et qui portez de toute antiquité Joint à vertu le titre de noblesse : Ne dédaignant, confine était la coutume, Le long habit, lequel vous honorez, Comme celui qui sage n’ignorez De combien sert le conseil et la plume. Ce fut pourquoi ce sage et vaillant prince, Vous honorant du nom d’ambassadeur, Sur votre dos déchargea sa grandeur, Pour la porter en étrange province : Récompensant d’un état honorable Votre service, et témoignant assez Par le loyer de vos travaux passés Combien lui est tel service agréable. Qu’autant vous soit agréable mon livre, Que de bon coeur je le vous offre ici : Du médisant j’aurai peu de souri Et serai sûr à tout jamais de vivre. Extrait de: Recueil : Les Regrets (1558)
Ce poème de Du Bellay nous encourage à réfléchir sur le pouvoir de la poésie comme moyen d’évasion et de consolation. Explorez davantage ses œuvres ou partagez vos réflexions sur ce que signifie pour vous la beauté des mots dans les moments difficiles.

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