Qui te rÃĐflÃĐchis dans les eaux,
Comme une fleur de la prairie
Se mire au cristal du ruisseau.
Ta colline, oÃđ jâai vu paraÃŪtre
Un beau jour qui sâest ÃĐclipsÃĐ,
Jâai rÊvÃĐ que jâen ÃĐtais maÃŪtre ;
Adieu ! Ce doux rÊve est passÃĐ.
Assis sur la rive opposÃĐe,
Je te vois, lorsque le soleil
Sur tes gazons boit la rosÃĐe,
Sourire encore à ton rÃĐveil,
Et dâun brouillard pÃĒle entourÃĐe
Quand le jour meurt avec le bruit,
Blanchir comme une ombre adorÃĐe
Qui nous apparaÃŪt dans la nuit.
Doux trÃĐsors de ma moisson mÃŧre,
De vos ÃĐpis un autre est roi ;
Tilleuls dont jâaimais le murmure,
Vous nâaurez plus dâombre pour moi.
Ton coq peut tourner à sa guise,
Clocher, que je fuis sans retour :
Ce nâest plus à moi que la brise
Lui dit dâannoncer un beau jour.
Cette fenÊtre ÃĐtait la tienne,
Hirondelle, qui vint loger
Bien des printemps dans ma persienne,
OÃđ je nâosais te dÃĐranger ;
DÃĐs que la feuille ÃĐtait fanÃĐe,
Tu partais la premiÃĻre, et moi,
Avant toi je pars cette annÃĐe ;
Mais reviendrais-je comme toi ?
Quâils soient lâamour dâun autre maÃŪtre,
Ces pÊchers dont jâouvris les bras !
Leurs fruits verts, je les ai vu naÃŪtre ;
Rougir je ne les verrai pas.
Jâai vu des bosquets que je quitte
Sous lâÃĐtÃĐ les roses mourir ;
Jây vois planter la marguerite :
Je ne lây verrai pas fleurir.
Ainsi tout passe, et lâon dÃĐlaisse
Les lieux oÃđ lâon sâest rÃĐpÃĐtÃĐ :
ÂŦ Ici luira sur ma vieillesse
Lâazur de son dernier ÃĐtÃĐ. Âŧ
Heureux, quand on les abandonne,
Si lâon part en se comptant tous,
Si lâon part sans laisser personne
Sous lâherbe qui nâest plus à vous.
Adieu, prairie oÃđ sur la brune,
Lorsque tout dort, jusquâaux roseaux,
Jâentendais rire au clair de lune
Les lutins des bois et des eaux,
Qui, sous ces clartÃĐs taciturnes,
Du trÃīne disputant lâhonneur,
Se livraient des assauts nocturnes
Autour des meules du faneur.
Adieu, mystÃĐrieux ombrages,
Sombre fraÃŪcheur, calme inspirant ;
MÃĻre de Dieu, de qui lâimage
Consacre ce vieux tronc mourant,
OÃđ, quand son heure est arrivÃĐe,
Le passereau loin des larcins
Vient cacher sa jeune couvÃĐe
Dans les plis de tes voiles saints.
Adieu, chapelle qui protÃĻge
Le pauvre contre ses douleurs ;
Avenue oÃđ, foulant la neige
De mes acacias en fleurs,
Lorsque le vent lâavait semÃĐe
Du haut de ses rameaux tremblants,
Je suivais quelque trace aimÃĐe,
Empreinte sur ses flocons blancs.
Adieu, flots, dont le cours tranquille,
Couvert de berceaux verdoyants,
A ma nacelle, dâÃŪle en ÃŪle,
Ouvrait mille sentiers fuyants,
Quand rÊveuse, elle allait sans guide
Me perdre en suivant vos dÃĐtours
Dans lâombre dâun dÃĐdale humide
Ou je me retrouvais toujours.
Adieu, chers tÃĐmoins de ma peine,
ForÊt, jardin, flots que jâaimais !
Adieu, ma fraÃŪche Madeleine !
Madeleine, adieu pour jamais !
Je pars, il le faut, et je cÃĻde ;
Mais le cÅur me saigne en partant,
Quâun plus riche qui te possÃĻde
Soit heureux oÃđ nous lâÃĐtions tant !
Automne 1839