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Bierstube Magie Allemande
Dans ‘Bierstube Magie Allemande’, Louis Aragon nous transporte dans un univers riche en souvenirs et en sensations. Écrit au XXᵉ siècle, ce poème reflète la dualité des plaisirs simples et des désillusions face à la vie. Les motifs du passé se mêlent à une ambiance mélancolique, offrant une lecture profondément touchante qui explore les thèmes universels de l’amour, de la perte et du passage du temps.
Bierstube Magie allemande Et douces comme un lait d’amandes Mina Linda lèvres gourmandes Qui tant souhaitent d’être crues A fredonner tout bas s’obstinent L’air Ach du lieber Augustin Qu’un passant siffle dans la rue Sofienstrasse Ma mémoire Retrouve la chambre et l’armoire L’eau qui chante dans la bouilloire Les phrases des coussins brodés L’abat-jour de fausse opaline Le Toteninsel de Boecklin Et le peignoir de mousseline Qui s’ouvre en donnant des idées Au plaisir prise et toujours prête Ô Gaense-Liesel des défaites Tout à coup tu tournais la tête Et tu m’offrais comme cela La tentation de ta nuque Demoiselle de Sarrebrück Qui descendais faire le truc Pour un morceau de chocolat Et moi pour la juger que suis-je Pauvres bonheurs pauvres vertiges Il s’est tant perdu de prodiges Que je ne m’y reconnais plus Rencontres Partances hâtives Est-ce ainsi que les hommes vivent Et leurs baisers au loin les suivent Comme des soleils révolus Tout est affaire de décors Changer de lit changer de corps À quoi bon puisque c’est encore Moi qui moi-même me trahis Moi qui me traîne et m’éparpille Et mon ombre se déshabille Dans les bras semblables des filles Où j’ai cru trouver un pays Coeur léger coeur changeant coeur lourd Le temps de rêver est bien court Que faut-il faire de mes jours Que faut-il faire de mes nuits Je n’avais amour ni demeure Nulle part où je vive ou meure Je passais comme la rumeur Je m’endormais comme le bruit C’était un temps déraisonnable On avait mis les morts à table On faisait des châteaux de sable On prenait les loups pour des chiens Tout changeait de pôle et d’épaule La pièce était-elle ou non drôle Moi si j’y tenait mal mon rôle C’était de n’y comprendre rien Dans le quartier Hohenzollern Entre la Sarre et les casernes Comme les fleurs de la luzerne Fleurissaient les seins de Lola Elle avait un coeur d’hirondelle Sur le canapé du bordel Je venais m’allonger près d’elle Dans les hoquets du pianola Elle était brune et pourtant blanche Ses cheveux tombaient sur ses hanches Et la semaine et le dimanche Elle ouvrait à tous ses bras nus Elle avait des yeux de faïence Et travaillait avec vaillance Pour un artilleur de Mayence Qui n’en est jamais revenu Il est d’autres soldats en ville Et la nuit montent les civils Remets du rimmel à tes cils Lola qui t’en iras bientôt Encore un verre de liqueur Ce fut en avril à cinq heures Au petit jour que dans ton coeur Un dragon plongea son couteau Le ciel était gris de nuages Il y volait des oies sauvages Qui criaient la mort au passage Au-dessus des maisons des quais Je les voyais par la fenêtre Leur chant triste entrait dans mon être Et je croyais y reconnaître Du Rainer Maria Rilke. Extrait de: Le Roman inachevé (1956)
Ce poème nous pousse à méditer sur nos propres souvenirs et les facettes éphémères de notre existence. N’hésitez pas à explorer plus d’œuvres de Louis Aragon pour découvrir toute l’ampleur de son génie poétique.