Le même écho sinistre et sourd
Annonce aux rochers de la côte
La chute morne du flot lourd.
Chaque seconde le ramène.
Son fracas que rien n’a hâté
Tombe, comme la vie humain
Dans l’implacable éternité.
Sur le sable où mon pas s’enfonce
Par l’écume ardente rempli,
Son retour incessant m’annonce
Les mêmes jours d’ombre et d’oubli.
Ses coups réguliers font la somme
Du bonheur rêvé que je perds.
Ils disent : « N’attends rien des hommes
N’espère rien de l’univers.
Dissipe à jamais l’allégresse
Des espoirs dont tu t’es bercé.
Le présent reproduit sans cesse
L’âpre tristesse du passé. »
Ainsi parle la voix amère
De l’océan tumultueux,
Et lorsqu’une vague éphémère
Se fond en bouillons écumeux,
Dressant sa fumante crinière,
Une autre approche dont la voix
Et la lumineuse poussière
Se précipitent à la fois.
L’onde glisse et revient sans cesse.
Ces flots, l’un pour l’autre oubliés,
Ce sont les jours de ma jeunesse
Stérilement multipliés.
Vagues qu’une autre vague emporte,
Je vois avec leurs noirs reflux
S’enfuir les espérances mortes
Que rien ne ramènera plus.
Et j’écoute en ce flot qui tonne
Sans s’interrompre ni finir
Tomber le marteau monotone
De l’inexorable avenir.