Mâont aimĂŠe au clair de lune…
Jadis les trois fils du Roi
Se sont perdus dans les bois.
JâĂŠtais près de la fontaine,
Je regardais lâeau couler,
Quand trois voix encor lointaines
Lâune après lâautre ont parlĂŠ.
La plus haute dit : ÂŤ Jâai froid. Âť
(Jâentendis les fils du Roi.)
â ÂŤ Ce nâest pas lâeau qui murmure.
RĂŞvait sans fin la plus claire.
â ÂŤ Il y a de la lumière, Âť
Chanta la plus pure.
Jadis les trois fils du Roi
Sont venus la nuit vers moi.
Le premier sourit : ÂŤ Jolie,
OĂš que tu sois nĂŠe,
Jâaime ta mĂŠlancolie
De princesse abandonnĂŠe. Âť
Le plus fier nâavait pas vu
Que jâĂŠtais pieds nus.
Le plus jeune, Ă deux genoux,
Sâembaumant de mes cheveux,
Modulait très doux : ÂŤ Câest Vous,
Câest Toi seule que je veux. Âť
Le plus beau des fils du Roi,
Le plus beau mâa dit : ÂŤ Je tâaime. Âť
Jadis les trois fils du Roi
Mâont baisĂŠ les mains tous trois…
â Messeigneurs, laissez mes mains
Et passez votre chemin…
â Nous partirons dès lâaurore…
â Monseigneur, restez encore…
â Lâon ne peut pas vivre ici,
Tu viendras aussi…
â Seigneur, ma pauvre couronne
Est de fleurs dâautomne,
Mes pauvres bijoux, Seigneur,
Sont gemmĂŠs de pleurs…
CâĂŠtait lâaube. Je me tus.
Lâun dit alors : ÂŤ Câest dommage. Âť
Lâautre reprit : ÂŤ Je suis triste… Âť
Le plus beau ne disait rien :
Ses yeux bleus au fond des miens
Ne me voyaient plus…
â Seigneur, Seigneur, vos deux frères
Sont dĂŠjĂ dans la clairière…
Alors il mit Ă mon doigt
Son anneau de fils de Roi.
â Allez-vous-en, Monseigneur…
â Jâai promis de tâĂŠpouser…
â Voici votre anneau, Seigneur,
Moi je garde le baiser. Âť
Extrait de:
1903, LâEau Souterraine