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Le Jardin

Le poème ‘Le Jardin’ de Philippe Delaveau invite le lecteur à plonger dans une atmosphère nostalgique où les souvenirs de la nature et des êtres chers se mêlent. Écrit au cours du 20ᵉ siècle, ce poème est une belle exploration de la perte et de l’espoir, soulignant l’importance de l’environnement naturel comme refuge et source d’inspiration.
Redescends du vieux pommier qui t’a connu Quand tu lui demandais de te conduire sur sa monture Jusqu’à ses frères du verger, sur l’autre rive. Laisse l’échelle près de l’œil des lucarnes Qui rêvent sur le flanc crépi de la maison des vignes. Tu demeurais longtemps parmi les livres roux d’images, Les cartons à chapeaux hantés d’abeilles mortes. Mon amie, je t’écris de Brazzaville, je ne sais Quand cette lettre arrivera. Je la confie au missionnaire Qui rentre pour soigner son cœur malade. Que Dieu Te bénisse… Réponds-moi, parle très longuement De notre terre aimée, des fleurs que l’on arrose À la tombée du jour. Le ciel est-il, là-bas, couleur de vieux pastel Et rose, au-dessus de la Vienne, au crépuscule? Tu aimais les romans, les livres inutiles, allongé Sur le parquet blanchi par la poussière, tandis qu’entre les poutres, Les araignées filaient de minuscules cartulaires, Espérant de saisir une étoile tombée. Une abeille chargée du butin des bigognes Heurtait dans la fournaise du grenier Les vitres sales; tu l’aidais à s’enfuir, Vers le jardin, plus bas, tes délices, le soir, Lorsque les arrosoirs sur la terre extasiée Jetaient leurs arabesques. Le temps s’enfuit, le temps Est mort comme les feuilles des terrasses. Ainsi de l’été qui s’étire, le crépuscule Atteste encore, comme au-dessus de Troie dévastée, Hantée de ronces, l’intangible bonheur Que le songe rappelle, mais en vain. Redescends, puisque des mains hostiles Ont arraché la vigne sanglante d’automne, Tronçonné les tilleuls sur les allées. Et le cheval à l’horizon lève sa tête immuable Au-dessous des vaisseaux qui tanguent sur la mer Viens rejoindre la terre d’en bas, les trottoirs brunis par la pluie, La ville qui déploie l’emblème des rues, allonge un peu Le bras, voici la gloire mais si proche. Il suffit d’un désir Et tu seras le maître. Il s’éloigne sur la route qui brûle De tous les crépuscules vainement assemblés. Dimanche, cependant, Remonte ruisselant des eaux, chaque semaine, sable engendré De la rivière qui dresse l’or au milieu de l’herbage D’une lettre sacrée, delta dont le sommet Contemple l’abîme invisible. Enée chemine, se souvient Du jardin d’ombre, chaque soir. La nuit Verse le tombereau, l’oubli s’accroît sur le rivage. Le vieillard ouvre ses mains si vaines, mais dimanche S’en revient, que les merles saluent dans la clameur des cerisiers; Le sable ruisselle, et tes journées s’achèvent, tu l’ignores. Parfois, dans les recoins du ciel qui tremble L’imperceptible étoile se découvre; tu ne fus jamais seul, Le savais-tu? La neige tombe sur les quais où oscillent De vieux navires. La rivière a gagné l’embouchure et se meurt Dans la gloire des sables, mêlée de sources grises. Lorsque tu parles du jardin, personne à la fenêtre close Ne se rappelle ton passage. Il n’y a plus de lampe sur la table. Et les très douces mains ne se poseront plus, Énée, Sur ton visage. Nous ne reviendrons plus nous promener dans le jardin Détruit. Où êtes-vous, voix familières De la saison têtue, arômes colportés par le vent? Et nous marchions encore, espérant de fléchir Le silence que veille Aldébaran, la ténèbre Que la nacelle de la nuit creuse d’un souffle. Une constante vie, mais ce désir aussi qui n’est pas le désir. Nous avons répondu à l’appel, fondé des empires fragiles Dont les syllabes en suspens chancellent sur l’ocre de l’été; L’appel encore a retenti, tout proche, dans les forêts obscures Comme la plainte d’une biche près des étangs déserts. II Le guetteur descend du pommier solitaire. Toute la nuit, il a lancé la ligne infructueuse, Troublant l’aquarelle du jour et le pinceau des feuilles, dant L’aube frémit; la nuit s’éloigne au pas de ses chevaux, Abandonnant quelques étoiles dans l’herbe dure. Quelle aurore s’agite parmi les branches? Le vigneron Sitôt levé taille déjà le cep. La musique tressaille Dans la splendeur du hêtre rouge qui compte l’aune Pour disposer déjà la nappe blanche. Le soir Le jardin fraîchira. La lune observera Semblable et muette, sa sœur obscure Dans l’oeil du puits où goutte l’heure sainte. Les crépuscules uniront leurs nacres et leurs feuilles, Les temps auront mûri comme les fruits de l’arbre. II Lorsque la nuit voile son front d’érèbe. Le guetteur se précipite en criant d’allégresse, De l’arbre traversé d’aurore. Et le jour Hérisse de son feu les toitures nocturnes, le Jour, Lorsque la mort sera défaite et le jardin ouvert. Alors peut-être souviens-toi des vergers que la nuit Voulut même abolir pendant les temps d’orage; Ils tremblent quand le vent se déguise en rivière, Dans le consentement des branches qui n’ont rien refusé, Pour que les fleurs se pâment sur son passage Et que soit proféré le nom par quoi l’aube commence.
À travers ‘Le Jardin’, Delaveau nous rappelle que même dans la mélancolie, il existe une beauté persistante. N’hésitez pas à explorer d’autres œuvres de cet auteur fascinant ou à partager vos réflexions sur ce poème.

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