François Jacqmin, poète belge du XXᵉ siècle, nous offre avec ‘Le Printemps’ une réflexion profonde sur le cycle de la vie et la beauté éphémère de la nature. Dans ce poème, il mêle lyrisme et philosophie, explorant les nuances de la saison printanière tout en soulignant les paradoxes de la naissance et de la mort. Ce texte demeure une œuvre significative dans la poésie contemporaine, invitant à une contemplation attentive.
Ce qu’il y a à dire du printemps, le printemps le dit.
Il n’est pas de signes pour rendre le vide mystérieusement touché.
La croissance s’accorde à son propre lyrisme.
Pour entendre vraiment, il faut au cœur plus d’amnésie que d’enthousiasme.
La brise annonce des noces impitoyables.
Il y a une lueur d’apocalypse dans tout ce qui naît.
L’herbe fait trembler le néant.
Il est périlleux de ne pas être jeune.
Au début de chaque printemps, j’oublie le nom du cornouiller.
Son inflorescence me surprend comme un cantique composé à la hâte.
Autrefois, j’avais juré d’en être l’épigone inlassable.
Depuis, il ne cesse de proclamer mon hérésie.
Le babillage des violettes couvre le redoutable discours de l’avenir.
Il s’agit de designer le fruit qui sera l’étendard de l’espèce.
Toutes les obscurités seront ouvertes et passées au crible du désir.
L’eau va forcer les serrures du sol.
L’origine est là, assemblée comme pour une charge.
Chacun attend le profond ennemi auquel il aspire.
Le génie est de rassembler toutes les ivresses.
Paradoxalement, la mort participe à ce soulèvement.
L’existence va s’élever concrètement dans l’inexprimable.
On se prépare à un bonheur acharné.
On va fêter l’instant qui prétend ne pas mourir.
La tristesse est devenue riche et la torture digne des plus fins éloges.
Le coucou se réjouit jusqu’à l’idiotie.
La légèreté avance lourdement, comme un convoi armé.
Chacun est la sentinelle de son propre corps.
On entend les ordres terrifiés de la nature.
Il faut peu de choses pour construire lorsque l’on est sous l’empire de l’irrépressible.
Les fragments les plus éthérés du paysage ont des ressources inépuisables.
Le vocabulaire du neuf s’élève en significations pures et éternellement précoces.
Il est un temps où l’utopie repose sur un perce-neige.
L’âme des jours devient tendre et bestiale.
Une sorte de désappointement heureux perfore la rêverie.
On s’initie à un rite que chuchote une voix veule et déterminée.
On se souviendra de ce moment comme d’une horrible faveur.
Les ruisseaux se précipitent vers les fonds.
Ils dressent la généalogie de la fraîcheur en courant.
Lorsqu’ils meurent, il reste la source qui les refait jusqu’au dénouement du tout.
La vase est la première étape de l’extase.
La boue chante comme une chair pétrie, folle de sa graisse.
Les métaphores de la volupté sont maintenant perceptibles par les pieds.
L’étang est épuisé.
Il faut une extrême délicatesse
pour explorer son reflet.
Même le ciel est incertain quand il faut trier les variantes du sujet et de l’objet.
Les jeunes eaux vont lui refaire un visage.
Il est une zone de souriante mollesse, un phénomène sans corps ni pensée que l’on affirme être le printemps.
Un tel ensemble d’imprécisions est apte à former une rose et une interrogation.
Pour la première fois dans l’histoire du monde, il fait plus beau qu’ailleurs.
Les enfants défient toutes les lois de la gravité.
Ils sentent que l’absolu a des vibrations de toupie.
Peut-on désigner par un mot ce qui ne porte pas de robe ?
Je parle de la jeune pluie qui stimule l’argile et bleuit l’épaule des cardamines.
L’eau devine les formes les plus indécises du printemps.
La vie reprend haleine dans le lilas.
L’illusion est délectable.
On se protège du destin en mangeant une fraise.
Dans sa douce duplicité, le coucou tente un timide avertissement.
Dans toutes les langues du monde, l’œuf est un mot en formation.
C’est un gousset d’aspirations molles retenues par une frontière de silence chaulé.
Le temps le tient dans sa mire.
Sa première tentative d’être sera une cassure ; son expression, une astuce au visage de poussin.
Chaque printemps qui revient exhale l’odeur de promesses pourries.
Il a le goût d’anciens destins.
C’est le surprenant miasme des vieux puits subitement mis au jour.
Qui oserait défier le sourire des caveaux?
La pudeur du ciel est intense.
Elle exprime l’altitude avec une perfection inoubliable et sans doute dangereuse.
Cette immense réserve dissimule le bleu d’une lame.
Le pré connaît la rébellion douceâtre des cardamines.
Leur tumulte a raison de l’humidité pédante des pâturages.
La brise anime le bleu triste de leur victoire.
Le cœur rosit comme un jeune porc.
Le temps est gros de la turpitude de ces mots-là.
On songe à un couteau adéquat.
Les soins du corps ont un goût de tourment.
Le plaisir de plaire aspire à une alliance avec l’illimité.
La beauté s’élève contre tout ce qui n’adopte pas la démesure.
Il en coûte d’écouter la chair lorsque le soir descend !
La pâquerette se joue de la pesanteur du verger.
Elle traverse la trivialité des saisons sur les reins lisses de l’herbe.
On se perd dans l’engrenage de ses pétales.
Il règne une félicité évasive dont le dessein est de dissimuler.
Dans les airs, il y a un triomphe
étrange que la grâce
d’être neuf rend peu perceptible.
En scrutant l’ombre des bois, la pervenche sent confusément qu’un secret est à l’œuvre.
Les premiers fruits avancent avec précaution.
Ils ont la modestie des corps trop vierges pour accueillir les allusions du temps.
Les oiseaux affranchis déposent des œufs rieurs à l’aisselle des branches.
Le bouleau émiette la lumière.
L’œil s’émancipe et s’arrête sur l’épaule de la forêt.
Les sentiers s’épaississent d’éternités.
Le beau temps parfume la postérité.
Les jeunes femmes flottent
dans cette essence perpétuellement
distillée.
Elles savent discrètement.
Et en sourient.
Le cœur s’acharne à consulter le feuillage.
Mais la frondaison s’obstine à demeurer superficielle et frémissante.
Je ne pourrai jamais prouver que j’ai traversé la forêt.
Le verger est étourdi.
Tout y est charme et entrave.
Un vain et sublime embarras de fleurs pèse sur les branches.
Une fatalité ordinaire est sous la feuille.
On pénètre le secret de l’espèce.
Puis, on est ce secret.
On devient enfin sa propre origine.
D’interminables colonnes de champs marchent sous les fourches de la virginité.
Il est impossible de regarder
le sillon sans y voir
une conspiration de l’amour.
Ferment du vide, l’absolu déborde sur l’herbe.
Le pré dispose de cette faculté aiguë de. rapprocher les sentiments extrêmes.
Une fois de plus, le bon sens est écarté en faveur des graminées.
La lumière vient d’atteindre son plus beau jour.
Il se fait un anneau bref et scintillant autour des arbres en fleurs.
On n’a pas eu le temps d’être vraiment neuf.
La source revient du vide.
On l’accueille avec des baquets d’anémones.
Quelques acides discrets travaillent aux fondations de la primevère.
Le jeune taillis ne résiste plus à l’azur.
Il faut revivre !
Ce cri racle les murs jusqu’à la pierre.
Tout est irrésistiblement cru.
La vérité dégénère en délire oxalique.
L’étendue se refait avec le sourire de ceux qui désespéraient.
L’herbe reverdit autour des tombes.
L’excès bondit hors de tout.
La matière a approuvé le mystère.
Les possibilités du temps sont digérées.
Il est déjà trop tard pour s’initier à l’avenir.
L’appétit est partout, discret comme une chose essentielle.
La raison est immolée à un état quelconque, mais superbe.
L’arbre refait son arc.
Il tend le bourgeon jusqu’à
la limite de la glu et
frappe l’espèce d’étonnement.
Ce qui est blessé suinte d’un désir propice.
Une grande tristesse s’empare du corps à la pensée de refaire une œuvre inutile et infinie.
Il craint le beau temps qui s’assied sans scrupule sur les blessures de l’hiver.
Il ne partage pas
le monstrueux préjugé de la
sève.
Rien n’est plus désolant que de connaître les ressorts du plaisir.
Une joie reconnue est une joie dépravée.
Celui qui sait ne voit qu’un horizon jaune dans la gorge des jonquilles.
Oui se souviendra que la cerise fut une fleur?
Qui dira que l’arbre fut un bouquet qui dépassa l’entendement du monde ?
N’est-il pas de tocsin pour nous avertir de cette mort qui vient par la beauté ?
Tôt ou tard, chacun connaît un printemps qui fait passer sur l’autre rive du temps.
Là-bas, tout souvenir heureux
a les traits d’un malheur irréparable.
Les oiseaux les plus ingénieux
y sont les outils
de la peur et du silence.
Qu’adviendrait-il du monde si le printemps était fidèle à sa promesse ?
Le vacarme des sources serait décrié comme un règne confus.
L’exaspération de respirer serait alourdie de l’écume de la flore.
Le déséquilibre de la naissance serait sur tous les visages.
Il n’est pas de signes pour rendre le vide mystérieusement touché.
La croissance s’accorde à son propre lyrisme.
Pour entendre vraiment, il faut au cœur plus d’amnésie que d’enthousiasme.
La brise annonce des noces impitoyables.
Il y a une lueur d’apocalypse dans tout ce qui naît.
L’herbe fait trembler le néant.
Il est périlleux de ne pas être jeune.
Au début de chaque printemps, j’oublie le nom du cornouiller.
Son inflorescence me surprend comme un cantique composé à la hâte.
Autrefois, j’avais juré d’en être l’épigone inlassable.
Depuis, il ne cesse de proclamer mon hérésie.
Le babillage des violettes couvre le redoutable discours de l’avenir.
Il s’agit de designer le fruit qui sera l’étendard de l’espèce.
Toutes les obscurités seront ouvertes et passées au crible du désir.
L’eau va forcer les serrures du sol.
L’origine est là, assemblée comme pour une charge.
Chacun attend le profond ennemi auquel il aspire.
Le génie est de rassembler toutes les ivresses.
Paradoxalement, la mort participe à ce soulèvement.
L’existence va s’élever concrètement dans l’inexprimable.
On se prépare à un bonheur acharné.
On va fêter l’instant qui prétend ne pas mourir.
La tristesse est devenue riche et la torture digne des plus fins éloges.
Le coucou se réjouit jusqu’à l’idiotie.
La légèreté avance lourdement, comme un convoi armé.
Chacun est la sentinelle de son propre corps.
On entend les ordres terrifiés de la nature.
Il faut peu de choses pour construire lorsque l’on est sous l’empire de l’irrépressible.
Les fragments les plus éthérés du paysage ont des ressources inépuisables.
Le vocabulaire du neuf s’élève en significations pures et éternellement précoces.
Il est un temps où l’utopie repose sur un perce-neige.
L’âme des jours devient tendre et bestiale.
Une sorte de désappointement heureux perfore la rêverie.
On s’initie à un rite que chuchote une voix veule et déterminée.
On se souviendra de ce moment comme d’une horrible faveur.
Les ruisseaux se précipitent vers les fonds.
Ils dressent la généalogie de la fraîcheur en courant.
Lorsqu’ils meurent, il reste la source qui les refait jusqu’au dénouement du tout.
La vase est la première étape de l’extase.
La boue chante comme une chair pétrie, folle de sa graisse.
Les métaphores de la volupté sont maintenant perceptibles par les pieds.
L’étang est épuisé.
Il faut une extrême délicatesse
pour explorer son reflet.
Même le ciel est incertain quand il faut trier les variantes du sujet et de l’objet.
Les jeunes eaux vont lui refaire un visage.
Il est une zone de souriante mollesse, un phénomène sans corps ni pensée que l’on affirme être le printemps.
Un tel ensemble d’imprécisions est apte à former une rose et une interrogation.
Pour la première fois dans l’histoire du monde, il fait plus beau qu’ailleurs.
Les enfants défient toutes les lois de la gravité.
Ils sentent que l’absolu a des vibrations de toupie.
Peut-on désigner par un mot ce qui ne porte pas de robe ?
Je parle de la jeune pluie qui stimule l’argile et bleuit l’épaule des cardamines.
L’eau devine les formes les plus indécises du printemps.
La vie reprend haleine dans le lilas.
L’illusion est délectable.
On se protège du destin en mangeant une fraise.
Dans sa douce duplicité, le coucou tente un timide avertissement.
Dans toutes les langues du monde, l’œuf est un mot en formation.
C’est un gousset d’aspirations molles retenues par une frontière de silence chaulé.
Le temps le tient dans sa mire.
Sa première tentative d’être sera une cassure ; son expression, une astuce au visage de poussin.
Chaque printemps qui revient exhale l’odeur de promesses pourries.
Il a le goût d’anciens destins.
C’est le surprenant miasme des vieux puits subitement mis au jour.
Qui oserait défier le sourire des caveaux?
La pudeur du ciel est intense.
Elle exprime l’altitude avec une perfection inoubliable et sans doute dangereuse.
Cette immense réserve dissimule le bleu d’une lame.
Le pré connaît la rébellion douceâtre des cardamines.
Leur tumulte a raison de l’humidité pédante des pâturages.
La brise anime le bleu triste de leur victoire.
Le cœur rosit comme un jeune porc.
Le temps est gros de la turpitude de ces mots-là.
On songe à un couteau adéquat.
Les soins du corps ont un goût de tourment.
Le plaisir de plaire aspire à une alliance avec l’illimité.
La beauté s’élève contre tout ce qui n’adopte pas la démesure.
Il en coûte d’écouter la chair lorsque le soir descend !
La pâquerette se joue de la pesanteur du verger.
Elle traverse la trivialité des saisons sur les reins lisses de l’herbe.
On se perd dans l’engrenage de ses pétales.
Il règne une félicité évasive dont le dessein est de dissimuler.
Dans les airs, il y a un triomphe
étrange que la grâce
d’être neuf rend peu perceptible.
En scrutant l’ombre des bois, la pervenche sent confusément qu’un secret est à l’œuvre.
Les premiers fruits avancent avec précaution.
Ils ont la modestie des corps trop vierges pour accueillir les allusions du temps.
Les oiseaux affranchis déposent des œufs rieurs à l’aisselle des branches.
Le bouleau émiette la lumière.
L’œil s’émancipe et s’arrête sur l’épaule de la forêt.
Les sentiers s’épaississent d’éternités.
Le beau temps parfume la postérité.
Les jeunes femmes flottent
dans cette essence perpétuellement
distillée.
Elles savent discrètement.
Et en sourient.
Le cœur s’acharne à consulter le feuillage.
Mais la frondaison s’obstine à demeurer superficielle et frémissante.
Je ne pourrai jamais prouver que j’ai traversé la forêt.
Le verger est étourdi.
Tout y est charme et entrave.
Un vain et sublime embarras de fleurs pèse sur les branches.
Une fatalité ordinaire est sous la feuille.
On pénètre le secret de l’espèce.
Puis, on est ce secret.
On devient enfin sa propre origine.
D’interminables colonnes de champs marchent sous les fourches de la virginité.
Il est impossible de regarder
le sillon sans y voir
une conspiration de l’amour.
Ferment du vide, l’absolu déborde sur l’herbe.
Le pré dispose de cette faculté aiguë de. rapprocher les sentiments extrêmes.
Une fois de plus, le bon sens est écarté en faveur des graminées.
La lumière vient d’atteindre son plus beau jour.
Il se fait un anneau bref et scintillant autour des arbres en fleurs.
On n’a pas eu le temps d’être vraiment neuf.
La source revient du vide.
On l’accueille avec des baquets d’anémones.
Quelques acides discrets travaillent aux fondations de la primevère.
Le jeune taillis ne résiste plus à l’azur.
Il faut revivre !
Ce cri racle les murs jusqu’à la pierre.
Tout est irrésistiblement cru.
La vérité dégénère en délire oxalique.
L’étendue se refait avec le sourire de ceux qui désespéraient.
L’herbe reverdit autour des tombes.
L’excès bondit hors de tout.
La matière a approuvé le mystère.
Les possibilités du temps sont digérées.
Il est déjà trop tard pour s’initier à l’avenir.
L’appétit est partout, discret comme une chose essentielle.
La raison est immolée à un état quelconque, mais superbe.
L’arbre refait son arc.
Il tend le bourgeon jusqu’à
la limite de la glu et
frappe l’espèce d’étonnement.
Ce qui est blessé suinte d’un désir propice.
Une grande tristesse s’empare du corps à la pensée de refaire une œuvre inutile et infinie.
Il craint le beau temps qui s’assied sans scrupule sur les blessures de l’hiver.
Il ne partage pas
le monstrueux préjugé de la
sève.
Rien n’est plus désolant que de connaître les ressorts du plaisir.
Une joie reconnue est une joie dépravée.
Celui qui sait ne voit qu’un horizon jaune dans la gorge des jonquilles.
Oui se souviendra que la cerise fut une fleur?
Qui dira que l’arbre fut un bouquet qui dépassa l’entendement du monde ?
N’est-il pas de tocsin pour nous avertir de cette mort qui vient par la beauté ?
Tôt ou tard, chacun connaît un printemps qui fait passer sur l’autre rive du temps.
Là-bas, tout souvenir heureux
a les traits d’un malheur irréparable.
Les oiseaux les plus ingénieux
y sont les outils
de la peur et du silence.
Qu’adviendrait-il du monde si le printemps était fidèle à sa promesse ?
Le vacarme des sources serait décrié comme un règne confus.
L’exaspération de respirer serait alourdie de l’écume de la flore.
Le déséquilibre de la naissance serait sur tous les visages.
À travers ‘Le Printemps’, Jacqmin nous pousse à explorer notre propre relation avec la nature et le temps. N’hésitez pas à plonger plus profondément dans ses œuvres pour découvrir d’autres réflexions poétiques qui touchent à l’existence humaine.