L’Étoile et l’Adieu sur le Pont des Larmes
Un enfant sans racines, vêtu d’ombres et d’eau,
Cherche dans les reflets des pavés érodés
L’écho d’un visage au miroir effacé.
Ses pas, légers fantômes, glissent sur le temps mort,
Tandis que le ciel pleure un déluge de sort.
Il se souvient des mains qui berçaient son néant,
D’une voix qui chantait l’aube avant l’ouragan,
Mais le vent a mangé les noms, les tendres mots,
Ne laissant qu’un suaire de brume et de repos.
Le passé, ce marin naufragé dans ses veines,
Lui murmure des ports où dansaient des halènes.
Un soir, une étoile tomba dans son jardin :
C’était une inconnue aux cheveux de satin,
Qui portait dans ses yeux un océan de fièvre,
Et des secrets tissés comme un linceul de lièvre.
« Je suis celle, dit-elle, qui connaît ton berceau,
Mais l’heure est un couteau qui tranche le roseau. »
Elle lui tendit un pli scellé de cire noire,
Où dormait un récit plus lourd que la mémoire :
L’amour avait brûlé dans un lit de douleurs,
Laissant un berceau vide aux mains du désaveu.
« Ton père était un arbre foudroyé d’ambition,
Ta mère, un chant perdu dans l’ombre d’un bastion. »
L’enfant lut les mots crus sous la lune qui saigne,
Et sentit son enfance crouler en montagne.
Le pont devint navire, la pluie, sel de ses pleurs,
L’étoile, un phare amer guidant sa propre erreur.
« Pourquoi m’avoir laissé ? » cria-t-il à la nuit.
Le silence répondit en éteignant l’ennui.
L’inconnue s’effaça comme un feuillet d’automne,
Emportant dans son sillage la vérité qui tonne.
Il resta seul, armé d’un cœur en papyrus,
À déchiffrer l’adieu gravé sur un débris.
L’aube naissait à peine, pâle et désenchantée,
Quand il vit l’étoile choir, mourante et mutilée.
Alors, il comprit : le pont était son cloître,
La pluie, son seul baptême ; l’oubli, son seul espoir.
Il ouvrit ses bras maigres au gouffre cristallin,
Et sa chute dessina un adieu sibyllin.
L’étoile éteinte en lui, noyé dans les abysses,
Il devint à son tour un souvenir qu’on lisse.
Et le pont, éternel, garde dans ses pierres grises
L’empreinte d’un enfant qui partit sans église,
Tandis que chaque averse, en son deuil infini,
Répète le sanglot d’un amour trop minci.
La nuit, quand les vivants ont clos leurs paupières,
On entend frissonner l’ombre des lumières…
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