Dans ‘La Dévastation du Musée et des Monuments’, Casimir Delavigne exprime une profonde affliction face à la destruction des œuvres d’art et des monuments culturels en période de guerre. Écrit dans un contexte historique marquant, ce poème continue de résonner aujourd’hui avec sa critique de la violence menée contre la beauté et la créativité humaine.
La sainte vÃĐritÃĐ qui mâÃĐchauffe et mâinspire
Ãcarte et foule aux pieds les voiles imposteurs;
Ma muse de nos maux flÃĐtrira les auteurs,
DussÃĐ-je voir briser ma lyre
Par le glaive insolent de nos libÃĐrateurs.
OÃđ vont ces chars pesans conduits par leurs cohortes?
Sous les voÃŧtes du Louvre ils marchent à pas lents;
Ils sâarrÊtent devant ses portes;
Viennent-ils lui ravir ses sacrÃĐs ornemens?
Muses, penchez vos tÊtes abattues;
Du siÃĻcle de LÃĐon les chefs-dâoeuvre divins
Sous un ciel sans clartÃĐ suivront les froids Germains;
Les vaisseaux dâAlbion attendent nos statues.
Des profanateurs inhumains
Vont-ils anÃĐantir tant de veilles savantes?
Porteront-ils le fer sur les toiles vivantes
Que RaphaÃŦl anima de ses mains?
Dieu du jour, dieu des vers, ils brisent ton image.
Câen est fait : la victoire et la divinitÃĐ
Ne couronnent plus ton visage
Dâune double immortalitÃĐ.
Câen est fait : loin de toi jette un arc inutile.
Non, tu nâinspiras point le vieux chantre dâAchille;
Non, tu nâes pas le dieu qui vengea les neuf soeurs
Des fureurs dâun monstre sauvage,
Toi qui nâas pas un trait pour venger ton outrage
Et terrasser tes ravisseurs.
Le deuil est aux bosquets de Gnide.
Muet, pÃĒle et le front baissÃĐ,
Lâamour, que la guerre intimide,
Eteint son flambeau renversÃĐ.
Des grÃĒces la troupe lÃĐgÃĻre
Lâinterroge sur ses douleurs;
Il leur dit en versant des pleurs:
<< Jâai vu Mars outrager ma mÃĻre. >>
Je crois entendre encor les clameurs des soldats
EntraÃŪnant la jeune immortelle;
Le fer a mutilÃĐ ses membres dÃĐlicats;
HÃĐlas, elle semblait et plus chaste et plus belle,
Cacher sa honte entre leurs bras.
Dans un fort pris dâassaut, telle une vierge en larmes,
Aux yeux des forcenÃĐs dont lâinsolente ardeur
DÃĐchira les tissus qui dÃĐrobaient ses charmes,
Se voile encor de sa pudeur.
Adieu, dÃĐbris fameux de GrÃĻce et dâAusonie,
Et vous, tableaux errans de climats en climats;
Adieu, CorrÃĐge, Albane, immortel Phidias!
Adieu, les arts et le gÃĐnie!
Noble France, pardonne! A tes pompeux travaux,
Aux Pujet, aux Lebrun, ma douleur fait injure.
David a ramenÃĐ son siÃĻcle à la nature;
Parmi ses nourrissons il compte des rivauxâĶ
Laissons-la sâÃĐlever cette ÃĐcole nouvelle!
Le laurier de David de lauriers entourÃĐ,
Fier de ses rejetons, enfante un bois sacrÃĐ
Qui protÃĐge les arts de son ombre ÃĐternelle.
Le marbre animÃĐ parle aux yeux;
Une autre VÃĐnus plus fÃĐconde,
PrÃĻs dâHercule victorieux,
Ãtend son flambeau sur le monde.
Ajax, de son pied furieux,
Insulte au flot qui se retire;
Lâoeil superbe, un bras dans les cieux,
Il sâÃĐlance, et je lâentends dire:
<< JâÃĐchapperai malgrÃĐ les dieux. >>
Mais quels monceaux de morts! Que de spectres livides!
Ils tombent dans Jaffa ces vieux soldats français
Qui rÃĐveillaient naguÃĻre, au bruit de leurs succÃĻs,
Les siÃĻcles entassÃĐs au fond des pyramides.
Ah! Fuyons ces bords meurtriers!
DâoÃđ te vient, Austerlitz, lâÃĐclat qui tâenvironne?
Qui dois-je couronner du peintre ou des guerriers?
Les guerriers et le peintre ont droit à la couronne.
Des chefs-dâoeuvre français naissent de toutes parts;
Ils surprennent mon coeur à dâinvincibles charmes;
Au dÃĐluge, en tremblant, jâapplaudis par mes larmes;
Didon enchante mes regards;
Versant sur un beau corps sa clartÃĐ caressante,
à travers le feuillage un faible et doux rayon
Porte les baisers dâune amante
Sur les lÃĻvres dâEndymion;
De son flambeau vengeur NÃĐmÃĐsis mâÃĐpouvante;
Je frÃĐmis avec PhÃĻdre, et nâose interroger
LâaccusÃĐ dÃĐdaigneux qui semble la juger.
Je vois LÃĐonidas. O courage! O patrie!
Trois cents hÃĐros sont morts dans ce dÃĐtroit fameux;
Trois cents! Quel souvenir! âĶ Je pleureâĶ Et je mâÃĐcrie:
Dix-huit mille Français ont expirÃĐ comme eux!
Oui : jâen suis fier encor : ma patrie est lâasile,
Elle est le temple des beaux-arts;
à lâombre de nos ÃĐtendards,
Ils reviendront ces dieux que la fortune exile.
LâÃĐtranger, qui nous trompe, ÃĐcrase impunÃĐment
La justice et la foi sous le glaive ÃĐtouffÃĐes;
Il ternit pour jamais sa splendeur dâun moment;
Il triomphe en barbare et brise nos trophÃĐes;
Que cet orgueil est misÃĐrable et vain!
Croit-il anÃĐantir tous nos titres de gloire?
On peut les effacer sur le marbre ou lâairain;
Qui les effacera du livre de lâhistoire?
Ah! Tant que le soleil luira sur vos ÃĐtats,
Il en doit ÃĐclairer dâimpÃĐrissables marques;
Comment disparaÃŪtront, Ãī superbes monarques,
Ces champs oÃđ les lauriers croissaient pour nos soldats?
Allez, dÃĐtruisez donc tant de citÃĐs royales
Dont les clefs dâor suivaient nos pompes triomphales;
Comblez ces fleuves ÃĐcumans
Qui nous ont opposÃĐ dâimpuissantes barriÃĻres,
Aplanissez ces monts dont les rochers fumans
Tremblaient sous nos foudres guerriÃĻres.
Voilà nos monumens : câest là que nos exploits
Redoutent peu lâorgueil dâune injuste victoire;
Le fer, le feu, le temps plus puissant que les rois,
Ne peut rien contre leur mÃĐmoire.
Ãcarte et foule aux pieds les voiles imposteurs;
Ma muse de nos maux flÃĐtrira les auteurs,
DussÃĐ-je voir briser ma lyre
Par le glaive insolent de nos libÃĐrateurs.
OÃđ vont ces chars pesans conduits par leurs cohortes?
Sous les voÃŧtes du Louvre ils marchent à pas lents;
Ils sâarrÊtent devant ses portes;
Viennent-ils lui ravir ses sacrÃĐs ornemens?
Muses, penchez vos tÊtes abattues;
Du siÃĻcle de LÃĐon les chefs-dâoeuvre divins
Sous un ciel sans clartÃĐ suivront les froids Germains;
Les vaisseaux dâAlbion attendent nos statues.
Des profanateurs inhumains
Vont-ils anÃĐantir tant de veilles savantes?
Porteront-ils le fer sur les toiles vivantes
Que RaphaÃŦl anima de ses mains?
Dieu du jour, dieu des vers, ils brisent ton image.
Câen est fait : la victoire et la divinitÃĐ
Ne couronnent plus ton visage
Dâune double immortalitÃĐ.
Câen est fait : loin de toi jette un arc inutile.
Non, tu nâinspiras point le vieux chantre dâAchille;
Non, tu nâes pas le dieu qui vengea les neuf soeurs
Des fureurs dâun monstre sauvage,
Toi qui nâas pas un trait pour venger ton outrage
Et terrasser tes ravisseurs.
Le deuil est aux bosquets de Gnide.
Muet, pÃĒle et le front baissÃĐ,
Lâamour, que la guerre intimide,
Eteint son flambeau renversÃĐ.
Des grÃĒces la troupe lÃĐgÃĻre
Lâinterroge sur ses douleurs;
Il leur dit en versant des pleurs:
<< Jâai vu Mars outrager ma mÃĻre. >>
Je crois entendre encor les clameurs des soldats
EntraÃŪnant la jeune immortelle;
Le fer a mutilÃĐ ses membres dÃĐlicats;
HÃĐlas, elle semblait et plus chaste et plus belle,
Cacher sa honte entre leurs bras.
Dans un fort pris dâassaut, telle une vierge en larmes,
Aux yeux des forcenÃĐs dont lâinsolente ardeur
DÃĐchira les tissus qui dÃĐrobaient ses charmes,
Se voile encor de sa pudeur.
Adieu, dÃĐbris fameux de GrÃĻce et dâAusonie,
Et vous, tableaux errans de climats en climats;
Adieu, CorrÃĐge, Albane, immortel Phidias!
Adieu, les arts et le gÃĐnie!
Noble France, pardonne! A tes pompeux travaux,
Aux Pujet, aux Lebrun, ma douleur fait injure.
David a ramenÃĐ son siÃĻcle à la nature;
Parmi ses nourrissons il compte des rivauxâĶ
Laissons-la sâÃĐlever cette ÃĐcole nouvelle!
Le laurier de David de lauriers entourÃĐ,
Fier de ses rejetons, enfante un bois sacrÃĐ
Qui protÃĐge les arts de son ombre ÃĐternelle.
Le marbre animÃĐ parle aux yeux;
Une autre VÃĐnus plus fÃĐconde,
PrÃĻs dâHercule victorieux,
Ãtend son flambeau sur le monde.
Ajax, de son pied furieux,
Insulte au flot qui se retire;
Lâoeil superbe, un bras dans les cieux,
Il sâÃĐlance, et je lâentends dire:
<< JâÃĐchapperai malgrÃĐ les dieux. >>
Mais quels monceaux de morts! Que de spectres livides!
Ils tombent dans Jaffa ces vieux soldats français
Qui rÃĐveillaient naguÃĻre, au bruit de leurs succÃĻs,
Les siÃĻcles entassÃĐs au fond des pyramides.
Ah! Fuyons ces bords meurtriers!
DâoÃđ te vient, Austerlitz, lâÃĐclat qui tâenvironne?
Qui dois-je couronner du peintre ou des guerriers?
Les guerriers et le peintre ont droit à la couronne.
Des chefs-dâoeuvre français naissent de toutes parts;
Ils surprennent mon coeur à dâinvincibles charmes;
Au dÃĐluge, en tremblant, jâapplaudis par mes larmes;
Didon enchante mes regards;
Versant sur un beau corps sa clartÃĐ caressante,
à travers le feuillage un faible et doux rayon
Porte les baisers dâune amante
Sur les lÃĻvres dâEndymion;
De son flambeau vengeur NÃĐmÃĐsis mâÃĐpouvante;
Je frÃĐmis avec PhÃĻdre, et nâose interroger
LâaccusÃĐ dÃĐdaigneux qui semble la juger.
Je vois LÃĐonidas. O courage! O patrie!
Trois cents hÃĐros sont morts dans ce dÃĐtroit fameux;
Trois cents! Quel souvenir! âĶ Je pleureâĶ Et je mâÃĐcrie:
Dix-huit mille Français ont expirÃĐ comme eux!
Oui : jâen suis fier encor : ma patrie est lâasile,
Elle est le temple des beaux-arts;
à lâombre de nos ÃĐtendards,
Ils reviendront ces dieux que la fortune exile.
LâÃĐtranger, qui nous trompe, ÃĐcrase impunÃĐment
La justice et la foi sous le glaive ÃĐtouffÃĐes;
Il ternit pour jamais sa splendeur dâun moment;
Il triomphe en barbare et brise nos trophÃĐes;
Que cet orgueil est misÃĐrable et vain!
Croit-il anÃĐantir tous nos titres de gloire?
On peut les effacer sur le marbre ou lâairain;
Qui les effacera du livre de lâhistoire?
Ah! Tant que le soleil luira sur vos ÃĐtats,
Il en doit ÃĐclairer dâimpÃĐrissables marques;
Comment disparaÃŪtront, Ãī superbes monarques,
Ces champs oÃđ les lauriers croissaient pour nos soldats?
Allez, dÃĐtruisez donc tant de citÃĐs royales
Dont les clefs dâor suivaient nos pompes triomphales;
Comblez ces fleuves ÃĐcumans
Qui nous ont opposÃĐ dâimpuissantes barriÃĻres,
Aplanissez ces monts dont les rochers fumans
Tremblaient sous nos foudres guerriÃĻres.
Voilà nos monumens : câest là que nos exploits
Redoutent peu lâorgueil dâune injuste victoire;
Le fer, le feu, le temps plus puissant que les rois,
Ne peut rien contre leur mÃĐmoire.
Ce poème de Delavigne nous rappelle l’importance de préserver notre héritage culturel face aux ravages de la guerre. N’hésitez pas à explorer davantage les œuvres de cet auteur pour découvrir d’autres réflexions poignantes sur l’art et la vie.