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La Messe Noire

Dans ‘La Messe Noire’, Léo Ferré brosse un tableau saisissant et subversif de la religion et de ses rites. Écrit dans le contexte du XXᵉ siècle, ce poème dynamique révèle une critique acerbe des institutions religieuses tout en mêlant sensualité et révolte. Avec son style incisif et ses images saisissantes, Ferré invite les lecteurs à explorer les thèmes de la foi, du péché, et de la désillusion.
Ce matin ça sentait la morue à l’église Curés dépenaillés sacrés au coup de blanc Ça fait sur l’estomac des emplâtres sanglants Monsieur l’abbé penchait comme la tour de Pise J’avais un bénitier tout frais dans ma cervelle Les vieillards y venaient tremper de vieux pinceaux Et peindre leurs péchés par le sang de l’agneau Sur les orgues j’allais crisser mes chanterelles Ce matin ça sentait un relent d’orémus Des femmes aux torchons secrets faisaient la roue Cherchant leur puberté volage chez Padoue Pendant que l’officiant éjectait des lapsus Le bouffon c’était lui là-bas ceint de dentelles Et saint de par la sainteté des oripeaux Pendant que le soleil violait aux vitraux Leur pauvre volupté d’authentique aquarelle Leurs têtes s’essayaient à celles des oracles Un bedeau maléfique était leur supporter Il avait une gueule à la Stabat Mater De quoi faire avorter mille cours des miracles De sordides abbés jouaient de la trompette Pétant leurs triolets assassins dans l’aigu Sublimant des fox-trot latins sur air connu Pendant qu’il m’arrivait des odeurs de crevette Et moi j’étais Judas d’Europe ou bien d’ailleurs Les deniers me crevaient les poches comme un songe Les autres me crevaient la bouche avec l’éponge Qui sur la croix ébouriffa l’autre Amateur Moi j’étais l’argument de ce monde à l’envers J’étais le substratum inquiet de ces fripouilles Des verbes gras se conjuguaient tant à mes fouilles Qu’il en sortait de pornographiques paters Lors je dis Merde à Dieu pour leur donner plaisir Car il fallait jouir leurs colères latentes Ils me couchèrent comme un compte en main courante Essayant leurs crachats et croyant me bénir Complet dit la putain qui me tenait le front Ça dégueulait sinistre et rouge de mes bouches J’étais criblé d’azur et l’arbitre de touche Faisait passer sous le manteau des faux-bourdons Festoyant l’alibi des filles en goguette Touchaient leurs chapelets comme on fait des péchés Et les garçons les regardaient se déhancher Près des confessionnaux loués à l’aveuglette Ah se désemmômer d’la Seine Et poétiser le béton Énucléer l’œil des persiennes Et défigurer les b’illons Mettre aux chevaux de la dentelle Des pampas sacrés dans leur sac Fourgue tes harnais haridelle Le vent du large fait des couacs…
Ce poème audacieux nous pousse à questionner notre rapport à la foi et aux conventions sociales. N’hésitez pas à partager vos pensées sur cette œuvre tumultueuse ou à explorer davantage de poèmes de Léo Ferré.
Auteur:Léo Ferré

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