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à la Marquise du ChÃĒtelet (I)
Dans ‘À la Marquise du Châtelet (I)’, Voltaire offre une réflexion acerbe sur la calomnie et ses conséquences. Écrit au XVIIIe siècle, ce poème s’adresse à Émilie du Châtelet, une femme de lettres et scientifique, tout en explorant les travers de la société de son temps. La richesse des émotions et des images poétiques rend cette œuvre intemporelle et pertinente encore aujourd’hui.
(Sur la calomnie.) Écoutez-moi, respectable Emilie : Vous êtes belle ; ainsi donc la moitié Du genre humain sera votre ennemie : Vous possédez un sublime génie ; On vous craindra : votre tendre amitié Est confiante ; et vous serez trahie : Votre vertu, dans sa démarche unie, Simple et sans fard, n’a point sacrifié À nos dévots ; craignez la calomnie : Attendez-vous, s’il vous plaît, dans la vie Aux traits malins que tout fat à la cour Par passe-temps souffre et rend tour à tour. La Médisance est la fille immortelle De l’Amour-propre et de l’Oisiveté. Ce monstre ailé paraît mâle et femelle, Toujours parlant, et toujours écouté. Amusement et fléau de ce monde, Elle y préside, et sa vertu féconde Du plus stupide échauffe les propos : Rebut du sage, elle est l’esprit des sots ; En ricanant cette maigre furie Va de sa langue épandre les venins Sur tous états. Mais trois sortes d’humains, Plus que le reste aliments de l’envie, Sont exposés à sa dent de harpie ; Les beaux esprits, les belles, et les grands, Sont de ses traits les objets différents. Quiconque en France avec éclat attire L’œil du public est sûr de la satire : Un bon couplet, chez ce peuple falot, De tout mérite est l’infaillible lot. La jeune Églé, de pompons couronnée, Devant un prêtre à minuit amenée, Va dire un oui d’un air tout ingénu À son mari qu’elle n’a jamais vu ; Le lendemain en triomphe on la mène Au cours, au bal, chez Bourbon, chez la reine Le lendemain, sans trop savoir comment, Dans tout Paris on lui donne un amant ; Roi la chansonne, et son nom par la ville Court ajusté sur l’air d’un Vaudeville : Églé s’en meurt ; ses cris sont superflus. Consolez-vous, Églé, d’un tel outrage, Vous pleurerez, hélas ! bien davantage Lorsque de vous on ne parlera plus. Et nommez-moi la beauté, je vous prie, De qui l’honneur fut toujours à couvert. Lisez-moi Bayle à l’article Schomberg ; Vous y verrez que la Vierge Marie Des chansonniers comme une autre a souffert. Jérusalem a connu la satire. Persans, Chinois, baptisés, circoncis, Prennent ses lois ; la terre est son empire ; Mais, croyez-moi, son Irène est à Paris. Là, tous les soirs, la troupe vagabonde D’un peuple oisif, appelé le beau monde, Va promener de réduit en réduit L’inquiétude et l’ennui qui la suit. Là sont en foule antiques mijaurées, Jeunes oisons, et bégueules titrées, Disant des riens d’un ton de perroquet, Lorgnant des sols, et trichant au piquet. Blondins y sont, beaucoup plus femmes qu’elles Profondément remplis de bagatelles, D’un air hautain, d’une bruyante voix Chantant, dansant, minaudant à la fois. Si par hasard quelque personne honnête, D’un sens plus droit et d’un goût plus heureux Des bons écrits ayant meublé sa tête, Leur fait l’affront de penser à leurs yeux ; Tout aussitôt leur brillante cohue, D’étonnement et de colère émue, Bruyant essaim de frelons envieux, Pique et poursuit cette abeille charmante Qui leur apporte, hélas ! trop imprudente, Ce miel si pur et si peu fait pour eux. Quant aux héros, aux princes, aux ministres Sujets usés de nos discours sinistres, Qu’on m’en nomme un dans Rome et dans Paris Depuis César jusqu’au jeune Louis, De Richelieu jusqu’à l’ami d’Auguste, Dont un Pasquin n’ait barbouillé le buste. Ce grand Colbert, dont les soins vigilants Nous avaient plus enrichis en dix ans Que les mignons, les catins, et les prêtres N’ont en mille ans appauvri nos ancêtres, Cet homme unique, et l’auteur et l’appui D’une grandeur où nous n’osions prétendre, Vit tout l’état murmurer contre lui ; Et le Français osa troubler la cendre Du bienfaiteur qu’il révère aujourd’hui. Lorsque Louis, qui d’un esprit si ferme Brava la mort comme ses ennemis, De ses grandeurs ayant subi le terme, Vers sa chapelle allait à Saint-Denis, J’ai vu son peuple, aux nouveautés en proie, Ivre de vin, de folie et de joie, De cent couplets égayant le convoi, Jusqu’au tombeau maudire encore son roi. Vous avez tous connu, comme je pense, Ce bon régent qui gâta tout en France : Il était né pour la société, Pour les beaux arts, et pour la volupté ; Grand, mais facile, ingénieux, affable, Peu scrupuleux, mais de crime incapable Et cependant, ô mensonge ! ô noirceur ! Nous avons vu la ville et les provinces Au plus aimable, au plus clément des princes Donner les noms… Quelle absurde fureur ! Chacun les lit ces archives d’horreur, Ces vers impurs, appelés Philippiques, De l’imposture effroyables chroniques ; Et nul Français n’est assez généreux Pour s’élever, pour déposer contre eux. Que le mensonge un instant vous outrage Tout est en feu soudain pour l’appuyer ; La vérité perce enfin le nuage, Vous est de glace à vous justifier. Mais voulez-vous, après ce grand exemple Baisser les yeux sur de moindres objets ? Des souverains descendons aux sujets : Des beaux esprits ouvrons ici le temple, Temple autrefois l’objet de mes souhaits, Que de si loin Desfontaines contemple, Et que Gacon ne visita jamais. Entrons : d’abord on voit la Jalousie, Du Dieu des vers la fille et l’ennemie, Qui, sous les traits de l’Emulation, Souffle l’orgueil, et porte sa furie Chez tous ces fous courtisans d’Apollon. Voyez leur troupe inquiète, affamée, Se déchirant pour un peu de fumée, Et l’un sur l’autre épanchant plus de fiel Que l’implacable et mordant janséniste N’en a lancé sur le fin moliniste, Ou que Doucin, cet adroit casuiste, N’en a versé dessus Pasquier-Quesnel. Ce vieux rimeur, couvert d’ignominies, Organe impur de tant de calomnies, Cet ennemi du public outragé, Puni sans cesse et jamais corrigé, Ce vil Rufus que jadis votre père A par pitié tiré de la misère, Et qui bientôt, serpent envenimé, Piqua le sein qui l’avait ranimé ; Lui qui, mêlant la rage à l’impudence, Devant Thémis accusa l’innocence ; L’affreux Rufus, loin de cacher en paix Des jours tissus de honte et de forfaits, Vient rallumer aux marais de Bruxelles D’un feu mourant les pâles étincelles, Et contre moi croit rejeter l’affront De l’infamie écrite sur son front. Et que feront tous les traits satiriques Que d’un bras faible il décoche aujourd’hui, Et ces ramas de larcins marotiques, Moitié français et moitié germaniques, Pétris d’erreur, et de haine, et d’ennui ? Quel est le but, l’effet, la récompense De ces recueils d’impure médisance ? Le malheureux, délaissé des humains, Meurt des poisons qu’ont préparés ses mains. Ne craignons rien de qui cherche à médire. En vain Boileau, dans ses sévérités, A de Quinault dénigré les beautés ; L’heureux Quinault, vainqueur de la satire, Rit de sa haine et marche à ses côtés. Moi-même enfin, qu’une cabale inique Voulut noircir de son souffle caustique, Je sais jouir, en dépit des cagots, De quelque gloire et même du repos. Voici le point sur lequel je me fonde : On entre en guerre en entrant dans le monde. Homme privé, vous avez vos jaloux, Rampants dans l’ombre, inconnus comme vous Obscurément tourmentant votre vie : Homme public, c’est la publique envie Qui contre vous lève son front altier. Le coq jaloux se bat sur son fumier, L’aigle dans l’air, le taureau dans la plaine ; Tel est l’état de la nature humaine. La jalousie et tous ses noirs enfants Sont au théâtre, au conclave, aux couvents. Montez au ciel, trois déesses rivales Troublent le ciel, qui rit de leurs scandales. Que faire donc? à quel saint recourir ? Je n’en sais point : il faut savoir souffrir. Extrait de: Recueil : Épîtres, stances et odes
Ce poème puissant invite à méditer sur la nature humaine et les dangers de la calomnie. Pour découvrir d’autres œuvres marquantes de Voltaire, n’hésitez pas à explorer davantage notre collection.