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Les Cygnes

‘Les Cygnes’, écrit par Francis Vielé-Griffin, est un poème poignant du début du XXe siècle qui explore les profondeurs de la tristesse humaine tout en entretenant l’espoir. À travers des métaphores puissantes et une émotion palpable, l’auteur nous invite à réfléchir sur notre condition et les souvenirs qui nous façonnent.
Arrête-toi,
Ecoute-moi, mon frère qui passes ;
Tais-toi :
Je sais notre âme tendre et lasse,
Que tu marchais sans regarder, ni voir,
Vers quelque espoir
Ancien et cher — ou jeune, à peine aimé,
Comme un rire entrevu qu’on suit, moqueur,
Ou comme un long regard perdu qu’on va cherchant,
Marchant
Marchant — d’octobre en mai ;
Je sais ton cœur, mon cœur.
Vois : pense avec mes paroles choisies ;
Malgré le lourd flux de ton sang
Qui bat ta tempe flots sur flots.
Rêve en mes paroles choisies :
Avec ton gai sifflet par les genêts
Et tout le blond soleil éblouissant

Si bien que tu marchais les yeux clos
Sur la route qui te menait —
Tu n’étais joyeux que de quelque espoir ?
C’est d’elle ? avec un baiser à cueillir ?
Je sais ton cœur — on n’est pas gai à moins ;
Vers son baiser qui sait vieillir
Marche, ivre, donc, au long des jeunes foins ;
On n’est pas ivre à moins.
Si ce n’est d’elle — assieds-toi ; tu es triste ;
Hors celle-là, il n’est pas d’autres joies ;
La vie est grave et la mort est sinistre :
Avec son envergure au vol démesuré.
Son ombre sur la vie est d’un oiseau de proie.
Certes, tu n’auras pas désespéré ;
Serrant ta volonté autour de toi

Comme on serre un manteau trempé de pluies —
Tu marches droit,
Tu te sais immortel et tu défies
Le temps que tu sais leurre,
Mais tu as peur de mourir, même une heure

Une heure !… tu le vois bien, l’heure t’étreint,
Mon frère humain.
Tu es triste ;
Tout souvenir est un tombeau sans
Christ,
La route qui t’a mené jusqu’ici
D’un vieux souci vers un jeune souci

Si tu te retournais, la main au front,
Ainsi que celui qui regarde au loin,
Ainsi que font
Aux portes des tombeaux les hauts veilleurs de marbre —
Et d’arbre en arbre…
Ton bel amour, ta jeune idée !
Si bien que tout rire d’un sanglot se fausse
Et que ton cher espoir se fait atroce.
O crois-moi qui me souviens de demain :
La haute joie est douloureuse et telle
Qu’en sa douleur l’âme exulte immortelle,
Pleurer est doux par-dessus toutes choses ;
Assieds-toi près de moi ;
Quand j’ai pleuré la tête entre les mains
J’ai vu, entre mes doigts, ce lent jour gris tout rose :
Alors, mon âme eut foi.
Et toi, ma sœur qui passes,
Je te sais triste aussi, bien que tu fasses,
Bien que tu pares de gaîtés l’inquiétude,
Bien que tu traînes aux cailloux, fleurdelisés,
Les pans altiers de ta robe de prude,
Ou, bien que tes lèvres soient pleines de baisers
Que ta main prend et lance — ainsi qu’une pauvresse
Qui, pour se croire riche, vide à poignées
Aux autres mendiants sa sébile d’aumône ;
Ton âme est en détresse,
Fille de l’homme.
Hors ta petite fièvre
Jolie au gré du désir, ton miroir,
Que sais-tu de ta grâce ?
Si, même, elle est ?
La tristesse t’a fait signe chaque soir
Montrant la vie, aussi, et ce qu’elle valait,
Si bien qu’en tremble un peu ta pauvre lèvre
Et que ton long regard s’en est voilé.
Assieds-toi là, ma sceur, et pleure :
Pleurer est beau par-dessus toutes choses ;
Il n’est qu’une heure, elle demeure
Eternelle en métamorphoses :
L’heure de pitié sainte et d’amour surhumain
Qui pleure jusqu’à sourire… enfin.
Ce poème intemporel nous rappelle que la douleur et la joie sont souvent indissociables. N’hésitez pas à explorer davantage les œuvres de Francis Vielé-Griffin pour découvrir d’autres réflexions sur la vie et l’amour.

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