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La Terrasse Frontenac

La Terrasse Frontenac, un poème emblématique d’Apollinaire Gingras, plonge le lecteur dans l’admiration d’un des plus beaux sites canadiens. Offrant une vision lyrique de Québec, cet hommage à la nature et à la beauté des paysages nous rappelle l’importance de nos racines et de notre patrimoine. À travers des descriptions vibrantes, Gingras capture l’essence d’un lieu unique, où l’art et la nature s’entremêlent pour offrir un enchantement sans pareil.
Je n’ai vu ni Venise un soir Ă  sa gondole,
Ni Naples, ni l’Etna : pourtant, je m’en console !
Car j’ai vu, rayonnant au soleil de midi,
Québec, perché là-haut comme un aigle hardi.
Je l’ai vu panachĂ© de verglas et de brume,
Et je l’ai vu l’Ă©tĂ© sous son plus beau costume.
Mais je l’ai vu, surtout, le soir, quand le soleil
Teint tous ses horizons de pourpre et de vermeil.
Pour chanter Ă  l’envi ses larges paysages,
Montons Ă  la Terrasse, Ă  dix pieds des nuages.
Sous ces kiosques chinois n’allons pas nous asseoir :
Pour mieux jouir encor de la fraîcheur du soir,
Pour n’avoir sur les yeux ni coupoles ni voiles
Qui nous cachent un coin de ce ciel plein d’Ă©toiles,
A la grille de bronze accoudons-nous, rĂŞveur ;
Et lĂ , volent mes vers : ils vont partir du coeur !
Je t’aime, Ă´ ma Terrasse, Ă´ ma Terrasse unique :
Ta rivale n’est pas sur ce sol d’AmĂ©rique.
Je t’aime, – et l’Ă©tranger toujours t’appellera :
L’Ă©tincelant bijou de mon beau Canada !
Je t’aime, Ă´ ma Terrasse aux aspects grandioses :
Il voltige Ă  ton front des souvenirs si roses !
Quel Canadien n’a pas, par un beau soir d’Ă©tĂ©,
Connu l’enivrement de ton site enchantĂ© ?
HumĂ©, grisĂ© d’espoir, l’arĂ´me de tes grèves,
Aux lèvres le cigare, au coeur les plus doux rêves ?
Et qui ne se rappelle avoir, Ă´ ma Terrasse,
Ivre de bonne humeur, de silence et d’espace,
A la seule clartĂ© de tes nuits d’Orient,
CausĂ© sans gĂŞne ici jusqu’Ă  minuit, souvent ?
Après avoir sous clef, le soir, à son bureau,
Mis ces mille soucis qui brûlent le cerveau,
Quel flâneur, gravissant ta superbe falaise,
N’a senti sa poitrine enfin respirer d’aise
Devant ce paysage oĂą la nature et l’art
Conspirent Ă  l’envi pour charmer le regard :
Ce paysage frais, gracieux et sublime, –
Ces monts d’azur oĂą l’Ĺ“il vole de cime en cime,
Ces monts lointains sur qui des nuages brillants
Passent Ă  gros flocons comme des aigles blancs ;
LĂ , la grande cascade au refrain monotone ;
Puis l’ĂŽle d’OrlĂ©ans, dont chaque toit rayonne ;
Ici, Lévis qui prend fièrement son essor
Comme un gai satellite autour d’un soleil d’or ;
Puis lĂ -bas, Charlebourg, sur un terrain qui penche,
Semblant sortir du bois comme une perdrix blanche ;
Puis de riants coteaux couronnés de villas,
Des forĂŞts de sapins, des bosquets de lilas ;
Puis, pour miroir Ă  tout, cette rade profonde
OĂą les vaisseaux, venus des quatre coins du monde,
Perdant souvent leur ancre en nous disant bonsoir,
Semblent laisser leur coeur et nous dire : au revoir !
C’est un enchantement : plus de mĂ©lancolie !
L’espoir vous monte Ă  l’âme, et vous aimez la vie !
Dans cette rade en feu, sous ce ciel de saphir,
Votre oeil Ă©mu croit voir un reflet d’avenir !
Terrasse ! s’il voltige Ă  tes murs poĂ©tiques
Un essaim parfumé de souvenirs magiques,
Il plane autour de toi des souvenirs si grands !
Les zĂ©phirs n’ont-il pas, sur tes sommets gĂ©ants,
CaressĂ© les drapeaux les plus beaux de la terre –
Le blanc drapeau de France, et celui d’Angleterre ?
De ce cap Diamant qui vit Montcalm mourir
A qui Dieu dit un jour : Cède, mais sans rougir !
De ce vieux boulevard teint de sang et de gloire,
Terrasse ! n’es-tu pas le tĂ©moin qu’il faut croire ?
Ces nuages dorés, qui flottent dans ton ciel,
Ne sont-ils pas pour toi comme un nimbe immortel ?
Je t’aime, Ă´ ma Terrasse, et je veux qu’on t’admire :
Car vois-tu, – laisse-moi le dire et le redire, –
Vois-tu, le CrĂ©ateur, l’artiste magistral,
Creusa sous tes regards un fleuve si royal !
Pour se mirer au sein de ces ondes verdâtres,
Il inclina si bien les bleus amphithéâtres !
Ce peintre de l’Eden de son brillant pinceau
Sut si bien nuancer tout ce divin tableau,
Ce tableau fait exprès, ô ma belle Terrasse,
Pour mieux mettre en relief ton orgueil et ta grâce !
Vraiment, Dieu, prodiguant les îles et les monts.
Pour cadre t’a donnĂ© ses plus beaux horizons !
Mais quand il eut vidĂ© sa corne d’abondance
Dans les plis verdoyants de ton pastel immense,
Il t’empourpra surtout d’un si divin reflet
En y faisant jouer les drames que l’on sait !
Je t’aime ! et pour te peindre, oh ! ma strophe est bien pâle
Car sut le globe entier tu n’as pas de rivale !
Laisse-moi t’appeler dans mon coeur, dans mes vers :
Le bijou préféré de ce bel univers !
Mais ton panorama – cette crainte me navre –
Deviendrait Ă  mes yeux morne comme un cadavre
Si jamais, du sommet de ton site adoré,
L’oeil devait contempler un pays Ă©garĂ© !
Tu sembles ceindre au coeur la vieille citadelle :
D’un passĂ© plein de foi sois le blason fidèle !
Que la foule peuplant ton balcon souverain
Ne rougisse jamais du credo de Champlain !
Ce qui charme, vois-tu, sur ces monts, dans ces plaines,
Ce sont ces blancs clochers qui brillent par centaines,
Et qui lancent, joyeux, vers le gai ciel natal,
Leur concert d’angelus si grand, si musical.
Terrasse ! oh ! puisses-tu, pour l’âme et les oreilles,
Garder autour de toi ces vibrantes merveilles !
Ă” pays que j’adore, Ă´ mon pays si beau :
Avant d’ĂŞtre apostat, descends dans le tombeau !
Ma terrasse, je t’aime ! – et si l’on veut sourire,
Voici tout le secret qui fait chanter ma lyre :
Mon pays, dont ici je sens battre le coeur,
Rayonne, palpitant, dans ta riche splendeur !
Ce poème est une invitation à la contemplation et à l’amour de notre terre. En parcourant les vers de Gingras, laissez-vous emporter par la magie de la Terrasse Frontenac et envisagez de découvrir davantage d’œuvres de ce poète passionné. Partagez vos impressions sur cet hommage à la beauté canadienne.

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