Le Jardin des Soupirs Éternels
Où les rosiers penchent comme des âmes en peine,
Une femme erre, spectre aux doigts de pétales,
Ses pas creusant le silence en lentes spirales.
Son nom ? Un murmure étouffé sous les mousses,
Un secret que les fontaines chantent à voix douce.
Chaque matin, elle tresse ses cheveux d’ombres
Avec des brins de lierre et des rubis qui sombrent.
Le jardin est son royaume aux murs de brouillard,
Où les statues pleurent des larmes de nectar.
Elle parle aux camélias, ces confidents muets,
Leur conte un amour né dans les plis du regret.
« Il vint un soir d’avril, vêtu de clair de lune,
Ses yeux deux sources noires où buvaient les infortunes.
Nous avons partagé le pain des mots tremblants,
Mais le destin tissait déjà ses fils sanglants. »
Les corbeaux, témoins gras de ces aveux fragiles,
Ont volé vers la tour où grondent les exils.
Car l’aimé n’était qu’une ombre promise au vent,
Un rêve interdit par les lois du vivant.
Elle cultive l’attente en serre close,
Arrosant de ses pleurs les graines décomposées.
Les hortensias bleus, miroirs de son désastre,
S’étiolent en buvant la poison des astres.
Un jour, il reviendra… C’est ce que dit la brise
Qui joue dans les vitraux de la gloriette grise.
Elle tresse des couronnes pour son front absent,
Tandis que les lilas meurent en l’observant.
L’automne vint, cruel dentellier de mémoire,
Déchirant les rideaux de l’espoir illusoire.
Dans le bassin terni, son reflet s’est fendu :
Jeune femme à l’aube, vieille âme au crépuscule.
« Prends ma main », souffla-t-elle au spectre de jasmin,
Mais le gel avait scellé les portes du jardin.
Les allées se couvrirent d’un linceul de givre,
Et les roses crachèrent leurs pétales de cuivre.
Quand les cloches sonnèrent minuit dans le lointain,
Elle s’allongea parmi les débris de son foin.
La neige épousa doucement ses paupières closes,
Tandis qu’au ciel dansait une pluie de météores.
Au printemps suivant, les tulipes vermeilles
Naquirent de la terre où dormaient ses oreilles.
Elles murmurent encore, quand vient le soir tombant,
L’histoire d’un baiser qui ne fut jamais donné.
Et le jardin secret, gardien des vœux sans ailes,
Serre contre son cœur deux bagues jumelles.
L’une d’or érodé, l’autre de brume pure :
Monument nuptial pour une étreinte future.
`