L’Espérance Éteinte
Un enfant aux yeux pâles, vêtu de brume légère,
Foulait les dalles froides d’une cathédrale en mer,
Où les saints de pierre pleuraient sur leur chagrin séculaire.
Orphelin du destin, sans berceau ni flambeau,
Il cherchait dans l’écho les mots d’une promesse :
« Reviens quand la cloche aura sonné douze coups nouveaux,
Je te prendrai ma main pour franchir la détresse. »
Les vitraux écorchés par les griffes du soir
Déposaient sur son front des lueurs en lambeaux,
Et dans ce sanctuaire où tremblait l’espoir,
Chaque pas résonnait comme un sanglot tombé de l’eau.
Il comptait les soupirs des arches inclinées,
Interrogeait le vide où dansait un vieux chant :
« Ô toi qui m’as nommé dans la nuit des années,
Pourquoi ton souvenir est-il un ciel méchant ? »
La lune, spectatrice en sa robe de givre,
Glissait entre les colonnes un regard apathique,
Tandis que l’enfant, las de lutter pour vivre,
S’accrochait au mensonge éclos dans les cantiques.
« Je reviendrai », avait dit la voix au crépuscule,
« Quand les roses d’hiver perceront le verglas. »
Mais l’hiver engouffrait son souffle minuscule,
Et les roses dormaient sous un linceul de glas.
Nul ne vint. Seuls les murs, gardiens taciturnes,
Voyaient errer ses doigts sur les stèles sans noms,
Cherchant en vain la trace oubliée des nocturnes,
Ces serments envolés comme feuilles d’automne.
Trois nuits il attendit, grelottant sous les voûtes,
Trois nuits à déchiffrer l’énigme des étoiles mortes,
À boire la sueur froide des anges en déroute
Dont les ailes brisées saignaient sur les portes.
Au quatrième jour, quand l’aube éteignit les cierges,
Il comprit que le rêve était un leurre cruel :
La promesse n’était qu’un mirage éphémère,
Une graine semée dans le sable du ciel.
Ses mains, frêles oiseaux blessés par l’infortune,
Étreignirent son cœur qui battait sans espoir.
« Pourquoi m’avoir donné ces lèvres de fortune
Si personne ne vient apaiser mon soir ? »
Alors il gravit les marches du silence,
Jusqu’au balcon perdu où hurle l’aquilon,
Et là, dans un soupir chargé de souffrance,
Il offrit à la brise un dernier violon.
« Prends ce corps transparent, cette âme en lambeaux,
Fais-en une chanson pour les enfants perdus,
Que ceux qui marcheront dans l’ombre des tombeaux
Sachent qu’on ne promet pas ce qui n’est pas dû. »
Le vent emporta son cri vers les abîmes,
La pierre engloutit ses larmes sans écho,
Et la cathédrale, mère aux entrailles unanimes,
Referma sur lui son manteau de halo.
Maintenant, quand la lune argente les chapiteaux,
On entend une plainte sous les arcs obscurcis :
« J’avais cru que l’amour traverserait les eaux,
Mais les rêves sont des ponts qui mènent au pays vide. »
Ainsi meurt l’espérance en son linceul de brume,
Ainsi vivent les mots que personne n’entend,
Et les promesses sont des feuilles qui consumment
Le cœur de ceux qui croient aux printemps du néant.
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